Le Monde de Aicha Bassou
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23052009
Le Monde de Aicha Bassou
Je remercie par la présente, le Docteur Mouhib, de m'avoir autorisé à partager
avec vous ces palpitantes aventures dont il est l'auteur.
Nous montions derrière l'infirmier major Mr Ouadichane, la piste pierreuse qui grimpe sur le
plateau. Nous étions un médecin et deux infirmiers. Nous allions par cette journée de novembre
consulter les enfants atteints de bouzougagh (rougeole) dans le village enclavé
Tigharmine, un coin perdu de la haute Moulouya orientale.
Notre arrivée ayant été saluée à coups de pierres, nous est-il permit d'en augurer
quelques succès dans notre tâche de quelques jours ?
Docteur Bouflja, Le jeune médecin exerçant à Meknès, ne cache pas son inquiètude.
- Les gens n'ont pas l'air commode, ici, qu'est-ce que nous allons bien pouvoir faire ?
- Vous allez les aimer, répond simplement Ouadichane, originaire d'un village non loin de
Tigharmine.
- Aimer ! s'exclama Chakour, l'infirmier originaire de Tadla.
Comme s'il avait le pouvoir de révolter les forces malfaisantes, une ruée de pierres
nous enveloppa.
Là haut, un petit mioche de rien du tout barbouillé et loqueteux nous lançait des cailloux.
Dressé sur une colline, face à nous, il semblait prendre la responsabilité de ses actes
ne cherchait ni à se cacher ni à fuire.
Et le grand Ouadichane souriant, sa casquette rejetée en arrière montait le premier avec la
sérénité de quelqu'un qui recevait les dattes et du lait un jour de fête.
Les cailloux continuaient à pleuvoir. Ils nous rasaient, nous frôlaient, sifflotaient
à nos oreilles sans nous atteindre.
L'infirmier major parlant la langue du petit, lui lança :
" mayde da teggad aya naghdim ? tedide adakh temrzde ! " (arrête, espèce de
gredin, tu risques de nous blesser).
Arrivé face au gamin Ouadichane lui sourit et disait :
" Amamiss n'lahrame tassende taddarte n'lamkaddem ? " (espèce de batârd,
connais-tu la maison du mkaddem).
Le jeune homme, qui pouvait bien avoir douze ans, s'attendait à recevoir autre
chose qu'un sourire, poitrine haletante, reniflant avec force et déclarait.
Si je la connais ! C'est la maison de notre voisine khalti Aicha Bassou,
l'amkaddem Ali outamargharte est son fils. Il habite chez elle.
Eh bien ! veux-tu nous indiquer le chemin ?
Vous n'avez qu'à me suivre ...
A suivre ....
avec vous ces palpitantes aventures dont il est l'auteur.
Nous montions derrière l'infirmier major Mr Ouadichane, la piste pierreuse qui grimpe sur le
plateau. Nous étions un médecin et deux infirmiers. Nous allions par cette journée de novembre
consulter les enfants atteints de bouzougagh (rougeole) dans le village enclavé
Tigharmine, un coin perdu de la haute Moulouya orientale.
Notre arrivée ayant été saluée à coups de pierres, nous est-il permit d'en augurer
quelques succès dans notre tâche de quelques jours ?
Docteur Bouflja, Le jeune médecin exerçant à Meknès, ne cache pas son inquiètude.
- Les gens n'ont pas l'air commode, ici, qu'est-ce que nous allons bien pouvoir faire ?
- Vous allez les aimer, répond simplement Ouadichane, originaire d'un village non loin de
Tigharmine.
- Aimer ! s'exclama Chakour, l'infirmier originaire de Tadla.
Comme s'il avait le pouvoir de révolter les forces malfaisantes, une ruée de pierres
nous enveloppa.
Là haut, un petit mioche de rien du tout barbouillé et loqueteux nous lançait des cailloux.
Dressé sur une colline, face à nous, il semblait prendre la responsabilité de ses actes
ne cherchait ni à se cacher ni à fuire.
Et le grand Ouadichane souriant, sa casquette rejetée en arrière montait le premier avec la
sérénité de quelqu'un qui recevait les dattes et du lait un jour de fête.
Les cailloux continuaient à pleuvoir. Ils nous rasaient, nous frôlaient, sifflotaient
à nos oreilles sans nous atteindre.
L'infirmier major parlant la langue du petit, lui lança :
" mayde da teggad aya naghdim ? tedide adakh temrzde ! " (arrête, espèce de
gredin, tu risques de nous blesser).
Arrivé face au gamin Ouadichane lui sourit et disait :
" Amamiss n'lahrame tassende taddarte n'lamkaddem ? " (espèce de batârd,
connais-tu la maison du mkaddem).
Le jeune homme, qui pouvait bien avoir douze ans, s'attendait à recevoir autre
chose qu'un sourire, poitrine haletante, reniflant avec force et déclarait.
Si je la connais ! C'est la maison de notre voisine khalti Aicha Bassou,
l'amkaddem Ali outamargharte est son fils. Il habite chez elle.
Eh bien ! veux-tu nous indiquer le chemin ?
Vous n'avez qu'à me suivre ...
A suivre ....
waz- utilisateur
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Le Monde de Aicha Bassou :: Commentaires
Re: Le Monde de Aicha Bassou
De là haut, l'oeil embrase l'immensité de la vallée qui sépare jbel moasker des
montagnes du moyen Atlas.
Bouflja et Chakour s'extasiaient devant la beauté unique du paysage fait de
montagnes multicolores, Bouflja dit :
On se sent infiniment petit devant la nature souveraine
Le froid à cette heure de la journée était insupportable, sauf lorsque les rafales
arrivaient des sommets de la chaîne Ayachi-moasker...
Le petit Rahou N'Tkriroute marchait devant nous pour nous indiquer le chemin.
Ouadichane de plus en plus souriant, nous déclarait :
Mes amis, vous allez faire connaissance, ce soir, avec une campagnarde dont tout le
monde loue la sagesse. J'ai entendu parler de Aicha Bassou depuis mon bas âge,
sa renommée dépasse la frontière de sa tribu. Elle est ici comme l'Amghar de l'endroit
(chef de tribu), très écoutée par la population.
Tout en parlant, nous suivions le gamin, sur le fond d'un oued avec ses galets, ses
murettes et ses cultures linéaires. Ce sont de maigres cultures de subsitances :
mais, orge, navets, luzerne...
Après quelques minutes de marche nous arrivions enfin à Tighermine.
C'est un pittoresque village du bout du monde. Tighermine est juchée sur un piton autour
d'une forteresse, constituant autrefois un moyen défensif. Le chapelet des maisons de
Tighermine est entouré d'une végétation rabougrie, faite d'arbustes solidement campés
apte à résister à la neige et aux grands froids.
Ouadichane enfant du pays connaît bien les secrets et les merveilles de ces forêts.
A suivre ...
montagnes du moyen Atlas.
Bouflja et Chakour s'extasiaient devant la beauté unique du paysage fait de
montagnes multicolores, Bouflja dit :
On se sent infiniment petit devant la nature souveraine
Le froid à cette heure de la journée était insupportable, sauf lorsque les rafales
arrivaient des sommets de la chaîne Ayachi-moasker...
Le petit Rahou N'Tkriroute marchait devant nous pour nous indiquer le chemin.
Ouadichane de plus en plus souriant, nous déclarait :
Mes amis, vous allez faire connaissance, ce soir, avec une campagnarde dont tout le
monde loue la sagesse. J'ai entendu parler de Aicha Bassou depuis mon bas âge,
sa renommée dépasse la frontière de sa tribu. Elle est ici comme l'Amghar de l'endroit
(chef de tribu), très écoutée par la population.
Tout en parlant, nous suivions le gamin, sur le fond d'un oued avec ses galets, ses
murettes et ses cultures linéaires. Ce sont de maigres cultures de subsitances :
mais, orge, navets, luzerne...
Après quelques minutes de marche nous arrivions enfin à Tighermine.
C'est un pittoresque village du bout du monde. Tighermine est juchée sur un piton autour
d'une forteresse, constituant autrefois un moyen défensif. Le chapelet des maisons de
Tighermine est entouré d'une végétation rabougrie, faite d'arbustes solidement campés
apte à résister à la neige et aux grands froids.
Ouadichane enfant du pays connaît bien les secrets et les merveilles de ces forêts.
A suivre ...
Tout petit, en compagnie de ses amis, Ouadichanne errait et patrouillait à longueur de journée,
entre les arbres et le mais sur pied, à la recherche des oeufs de perdrix. Il débusquait les
alouettes blotties dans leurs nids.
N'ayant pas de jouets l'un de leurs loisirs d'enfance, par de chaudes heures d'été, c'était
le piégeage des oiseaux. Avec leurs lance-pierres, ils envoyaient des cailloux sur les
différents oiseaux et surtout sur les moineaux, c'était des moments délicieux.
A l'entrée du village, au bord d'un ruisseau qui serpentait au pied d'un rocher,
une bergère qui devait avoir l'âge de Rahou était assise entourée de maigres moutons
qui broutaient de l'herbe sèche. Elle portait une couverture blanche (tahendirt) spécifique
de la tribu des Ait yahya.
Dans ces montagnes du haut atlas oriental les femmes de chaque groupe (ighess)
portaient des couvertures de couleurs différentes. La jeune fille nous souriait.
Les Ait Yahya qui habitent cette enclave montagneuse, comptent pour les populations
les plus isolées du haut atlas oriental.
Notre guide s'arrêta devant une bâtisse qui ne manquait pas de beauté. La maison
d'Aicha Bassou dominait, d'un étage, les autres maisons du douar. Avec sa fière
simplicité, elle prenait l'air important d'un petit Ksar.
La couleur du ciel était déjà crépusculaire quand nous arrivions devant la demeure
du Moqadam.
Rahou tapait avec ses deux petites mains sur la grande porte entrouverte et criait :
Khalti Aicha Bassou ;
Khalti Aicha Bassou, Meden N'tmdint
(Tante Aicha Bassou, ce sont les gens de la ville)
Dr boufelja met une pièce dans la main du petit. C'était peut-être la première pièce d'argent
que Rahou recevait, il était surpris et très content. Il la mit dans son Agounoun (capuchon).
Dans ces contrées les enfants ne connaissent pas d'argent de poches. Et d'ailleurs,
Les poches de leurs parents sont désespérément vides.
entre les arbres et le mais sur pied, à la recherche des oeufs de perdrix. Il débusquait les
alouettes blotties dans leurs nids.
N'ayant pas de jouets l'un de leurs loisirs d'enfance, par de chaudes heures d'été, c'était
le piégeage des oiseaux. Avec leurs lance-pierres, ils envoyaient des cailloux sur les
différents oiseaux et surtout sur les moineaux, c'était des moments délicieux.
A l'entrée du village, au bord d'un ruisseau qui serpentait au pied d'un rocher,
une bergère qui devait avoir l'âge de Rahou était assise entourée de maigres moutons
qui broutaient de l'herbe sèche. Elle portait une couverture blanche (tahendirt) spécifique
de la tribu des Ait yahya.
Dans ces montagnes du haut atlas oriental les femmes de chaque groupe (ighess)
portaient des couvertures de couleurs différentes. La jeune fille nous souriait.
Les Ait Yahya qui habitent cette enclave montagneuse, comptent pour les populations
les plus isolées du haut atlas oriental.
Notre guide s'arrêta devant une bâtisse qui ne manquait pas de beauté. La maison
d'Aicha Bassou dominait, d'un étage, les autres maisons du douar. Avec sa fière
simplicité, elle prenait l'air important d'un petit Ksar.
La couleur du ciel était déjà crépusculaire quand nous arrivions devant la demeure
du Moqadam.
Rahou tapait avec ses deux petites mains sur la grande porte entrouverte et criait :
Khalti Aicha Bassou ;
Khalti Aicha Bassou, Meden N'tmdint
(Tante Aicha Bassou, ce sont les gens de la ville)
Dr boufelja met une pièce dans la main du petit. C'était peut-être la première pièce d'argent
que Rahou recevait, il était surpris et très content. Il la mit dans son Agounoun (capuchon).
Dans ces contrées les enfants ne connaissent pas d'argent de poches. Et d'ailleurs,
Les poches de leurs parents sont désespérément vides.
Aicha Bassou, grande femme, se tenait debout malgré son âge avancé.
Elle se coiffait d'une tassebnit noire, grossièrement parcourue de rayures oranges. Son corps
maigre était couvert d'une "tahandirt" qu'elle retenait par une large épingle à nourrice.
Elle nous souhaitait la bienvenue, en souriant.
M'rahba issoune, kchmate. (soyez les bienvenus, entrez)
Dans le pays berbère, laisser les hôtes attendre plus qu'il ne convient dehors est
une incorrection grave. Expliqua ouadichane aux étrangers de la région
Assamid nekh day rezza imsmare. (Le froid de chez nous casse les clous).
Effectivement, la majesté de ses montagnes n'a d'égale que la rigueur du climat.
La maison d'Aicha Bassou est une demeure hospitalière. Elle avait toujours été
(Takhamt n'taam), la demeure de la nourriture.
Depuis son défunt père qui était l'amgar de la tribu, l'un des grands notable des
Ait Yahia, non par une charge sociale, il ne savait pas lire. Personne ne savait lire à
son époque à Tigharmine, et même aujourd'hui encore personne ne sait lire dans ses
contrées part le taleb !
Aicha, était enchantée de voir sa demeure continuer à recevoir des gens
du makhzen.
C'était un honneur auquel toute la parenté des Ait Bassou serait sensible.
Ali Outamghart, le fils unique de Aicha, devenu moqadem depuis quelques semaines
allait éclater de vanité.
Après avoir traversé une grande cour Aicha, nous recevait dans une vaste pièce rectangulaire
en pisé. Le toit était en tronc de cèdres, les seules ouvertures : une porte, de
minuscules fenêtres et un trou de fumée au plafond d'où jaillissait un rayon de lumière.
Un grand sandouk en bois représentait tout le mobilier. Dans un coin, la richesse de la
famille : une haute pile de couvertures de laine et des tapis.
Aicha nous présentait N'barch Ou Bassou. Un petit vieux emmitouflé dans son burnous,
recroquevillé au fond de la pièce. Il était assis sur un tapis rouge grenat.
Dans l'almessi brulait un véritable tronc de Takka. Il dégageait une odeur agréable.
Elle se coiffait d'une tassebnit noire, grossièrement parcourue de rayures oranges. Son corps
maigre était couvert d'une "tahandirt" qu'elle retenait par une large épingle à nourrice.
Elle nous souhaitait la bienvenue, en souriant.
M'rahba issoune, kchmate. (soyez les bienvenus, entrez)
Dans le pays berbère, laisser les hôtes attendre plus qu'il ne convient dehors est
une incorrection grave. Expliqua ouadichane aux étrangers de la région
Assamid nekh day rezza imsmare. (Le froid de chez nous casse les clous).
Effectivement, la majesté de ses montagnes n'a d'égale que la rigueur du climat.
La maison d'Aicha Bassou est une demeure hospitalière. Elle avait toujours été
(Takhamt n'taam), la demeure de la nourriture.
Depuis son défunt père qui était l'amgar de la tribu, l'un des grands notable des
Ait Yahia, non par une charge sociale, il ne savait pas lire. Personne ne savait lire à
son époque à Tigharmine, et même aujourd'hui encore personne ne sait lire dans ses
contrées part le taleb !
Aicha, était enchantée de voir sa demeure continuer à recevoir des gens
du makhzen.
C'était un honneur auquel toute la parenté des Ait Bassou serait sensible.
Ali Outamghart, le fils unique de Aicha, devenu moqadem depuis quelques semaines
allait éclater de vanité.
Après avoir traversé une grande cour Aicha, nous recevait dans une vaste pièce rectangulaire
en pisé. Le toit était en tronc de cèdres, les seules ouvertures : une porte, de
minuscules fenêtres et un trou de fumée au plafond d'où jaillissait un rayon de lumière.
Un grand sandouk en bois représentait tout le mobilier. Dans un coin, la richesse de la
famille : une haute pile de couvertures de laine et des tapis.
Aicha nous présentait N'barch Ou Bassou. Un petit vieux emmitouflé dans son burnous,
recroquevillé au fond de la pièce. Il était assis sur un tapis rouge grenat.
Dans l'almessi brulait un véritable tronc de Takka. Il dégageait une odeur agréable.
N'Barch Oubassou est rebouteux. Ouadichane l'a immédiatement reconnu.
Ce vénérable vieillard dit-il en s'adressant à ses deux compagnons, est le rebouteux
de la haute Moulouya. A Tighermine et dans les communes voisines de Tounfite,
chacun connaissait le don de N'Barch " don " qu'il aurait reçu de sa mère
Tagourramt (la sainte) n'Ait Ali Oubrahim.
Les Ait Ali Ou Brahim sont , selon la tradition orale une famille de guérisseurs et de
rebouteux qui ont soigné, depuis des siècles, des centaines et des centaines
d'accidents allant de la petite entorse à la fracture ouverte...
J'ai entendu dire beaucoup de bien de ses interventions dans les fractures des
membres. Il remet avec des gestes innés les os où les articulations brisées bout à bout.
Il était doué d'une habileté extraordinaire pour réduire les luxations.
Il ne se déplaçait jamais qu'à pieds, il était chez lui partout, dans tous les
ighrems de la région.
N'Barch respectait la règle fondamentale du possesseur du don. Il doit toujours
l'exercer aussitôt qu'on le lui demande et pour qui que ce soit, et surtout il ne doit
jamais recevoir d'argent comme prix de ses soins.
Le Dr Boufelja restait bouche bée devant cette sage " déontologie orale"
des ancêtres de N'Barch.
Devenu très vieux N'Barch est aujourd'hui pris en charge par la famille très soudée
des Ait Bassou. Aicha Bassou, qui n'est pourtant qu'une cousine lointaine de
N'Barch ("yllis n'memmiss n'aamiss" (cousine issue de germain), s'occupait
très bien de lui.
A Tighermine l'inter-générationnel est présent, et le vieillard, il faut bien le souligner,
ne rejette jamais le vieillard comme c'est le cas ailleurs.
Ce vénérable vieillard dit-il en s'adressant à ses deux compagnons, est le rebouteux
de la haute Moulouya. A Tighermine et dans les communes voisines de Tounfite,
chacun connaissait le don de N'Barch " don " qu'il aurait reçu de sa mère
Tagourramt (la sainte) n'Ait Ali Oubrahim.
Les Ait Ali Ou Brahim sont , selon la tradition orale une famille de guérisseurs et de
rebouteux qui ont soigné, depuis des siècles, des centaines et des centaines
d'accidents allant de la petite entorse à la fracture ouverte...
J'ai entendu dire beaucoup de bien de ses interventions dans les fractures des
membres. Il remet avec des gestes innés les os où les articulations brisées bout à bout.
Il était doué d'une habileté extraordinaire pour réduire les luxations.
Il ne se déplaçait jamais qu'à pieds, il était chez lui partout, dans tous les
ighrems de la région.
N'Barch respectait la règle fondamentale du possesseur du don. Il doit toujours
l'exercer aussitôt qu'on le lui demande et pour qui que ce soit, et surtout il ne doit
jamais recevoir d'argent comme prix de ses soins.
Le Dr Boufelja restait bouche bée devant cette sage " déontologie orale"
des ancêtres de N'Barch.
Devenu très vieux N'Barch est aujourd'hui pris en charge par la famille très soudée
des Ait Bassou. Aicha Bassou, qui n'est pourtant qu'une cousine lointaine de
N'Barch ("yllis n'memmiss n'aamiss" (cousine issue de germain), s'occupait
très bien de lui.
A Tighermine l'inter-générationnel est présent, et le vieillard, il faut bien le souligner,
ne rejette jamais le vieillard comme c'est le cas ailleurs.
J'ai pas le temps de tout lire là waz,mais promis je repasse!
merci wazounette
merci wazounette
Aicha Bassou, aidée d'une jolie petite fille, qu'elle appelait "TALBICHT" (petite crème),
répandaient d'autres tapis sur le sol pour nous faire honneur.
Talbicht, nous disait-elle, est la fille de nos voisins. C'est la soeur cadette de Rahou.
Elle n'a rien à voir avec ce bandit.
"Talbicht je l'adore, je n'ai jamais eue le courage de la gronder ".
La bonne femme nous installa près de N'Barch, autour d'Almessi (fourneau).
Nous étions sales, fatigués par le voyage, transis par le froid.
Dr Boulfeja et Chakour étaient totalement dépaysés.
Sur le pas de la porte apparaît le Moqadem, Ali Ou Tamghart, le fils unique de
Aicha et Said Ou Alibou (porté disparu en Indochine). Après la naissance de Ali,
Aicha est demeurée inexplicablement stérile en dépit de multiples recettes réchauffantes, et
de pélérinages aux divers saints de la région.
La quarantaine passée, Ali est d'une corpulence osseuse respirant la santé. Un visage
rond, avec un collier de barbe noire et la peau tannée. Il était vêtu d'un burnous beige
et d'une gandoura marron.
Ali, qui attendait notre arrivée, nous salua, nous souhaita la bienvenue et nous
tranquillisa sur notre voiture laissée au bout de la piste praticable.
Ou Tamghart : littéralement : de la vieille, Ali est surnommé ainsi par ce qu'il n'a pas coupé
le cordon affectif avec sa mère.
répandaient d'autres tapis sur le sol pour nous faire honneur.
Talbicht, nous disait-elle, est la fille de nos voisins. C'est la soeur cadette de Rahou.
Elle n'a rien à voir avec ce bandit.
"Talbicht je l'adore, je n'ai jamais eue le courage de la gronder ".
La bonne femme nous installa près de N'Barch, autour d'Almessi (fourneau).
Nous étions sales, fatigués par le voyage, transis par le froid.
Dr Boulfeja et Chakour étaient totalement dépaysés.
Sur le pas de la porte apparaît le Moqadem, Ali Ou Tamghart, le fils unique de
Aicha et Said Ou Alibou (porté disparu en Indochine). Après la naissance de Ali,
Aicha est demeurée inexplicablement stérile en dépit de multiples recettes réchauffantes, et
de pélérinages aux divers saints de la région.
La quarantaine passée, Ali est d'une corpulence osseuse respirant la santé. Un visage
rond, avec un collier de barbe noire et la peau tannée. Il était vêtu d'un burnous beige
et d'une gandoura marron.
Ali, qui attendait notre arrivée, nous salua, nous souhaita la bienvenue et nous
tranquillisa sur notre voiture laissée au bout de la piste praticable.
Ou Tamghart : littéralement : de la vieille, Ali est surnommé ainsi par ce qu'il n'a pas coupé
le cordon affectif avec sa mère.
Depuis notre arrivée, dans les autres pièces de la maison, ce n'était qu'un remue ménage
et va et vient.
Aicha Bassou montait dans "tanessrit" (la chambre de l'étage), pour chercher les
ustensiles à thé. Elle avait sorti d'une commode en bois une belle théière et
des verres multicolores dont personne n'avait usé depuis plusieurs mois.
Dans les dessins de la théière et ceux des verres la poussière s'était mise formant
une croute noire.
Aicha ouvrit la fenêtre d'au dessus de "tariyath"(patio) et appela en direction
de la cuisine.
"Manikount?" (Où est-ce que vous êtes?)
Les deux adolescentes inséparables, hajou, la petite fille d'Aicha et tassekoutrt, sa
protégée, montaient en courant.
Prenez le service à thé et rincez-le à l'eau bouillante, faîtes vite. Et dîtes à Rabha,
sa bru, de préparer tassendout (le beurre du jour) aux invités. Et n'oubliez pas de
donner le petit lait à Rkia Rassou.
La vente des produits laitiers était une honte à Tighermin. Aicha offrait le petit lait en
surplus aux voisins qui n'avaient pas de vaches à traire.
Comme c'est le cas de Rkia Rassou, la mère de Rahou et de Talebicht. Rkia a eue une
pauvre vie où les déboires succèdaient aux maladies, la malchance à la guigne.
Les Ait Bassou la surnommaient Tanaimalt. Elle a été mal mariée plusieurs fois et
ses enfants de plusieurs lits poussent comme ils peuvent. Rkia venait d'accoucher pour
la neuvième fois. On allait servir le thé, Talebicht avait mis la petite table basse.
Ali Outemghart, le maître des séants, confortablement assis sur une peau de mouton,
près du vieux Nbarch préparait le thé. Il accomplissait soigneusement le rituel pour
honorer ses hôtes. L'odeur du "chiba"(absinthe) parfumait la salle.
Au mois de novembre, la menthe n'a pas eu encore le temps de pousser dans
ces contrées. Tassekourt apportait un grand plat en terre cuite contenant une
bonne pile de "baghrir"(crêpes) toutes chaudes et un grand bol de miel et de
beurre fondu. Tassekourt était très jolie. Elle avait des masses de cheveux. Ils étaient
noirs, rassemblés sous une "tassebnit" de couleur jaune grenat noués dans
la nuque. Lorsqu'elle les dénouait, ils tombait à ses hanches. Elle avait une bouche
fine, belle taille. "taqmout oubouri, tiddi n'temlalt", disait l'izli
(bouche fine et taille de gazelle).
Le vrai nom de la jeune fille est Touda, son surnom lui venait de sa belle démarche de
perdrix (tassekourt).
Ouadichan, que l'accent du terroir se refusait à quitter, fixait les belles chevilles de
tassekourt, c'est aux chevilles que les berbères de l'Atlas jugeaient les femmes.
Les grand mères conseillaient d'ailleurs aux jeunes filles les recettes à base
d'aristoloche(berreztem) pour avoir de belles chevilles.
Chakor la fixait des yeux jusqu'à en loucher.
Boufelja, Chakor et Ouadichan trempaient les crêpes dans le bol de beurre et de
miel en mangeant avec appêtit. Les deux étrangers de la région s'étonnaient de
la cordialité de l'hospitalité.
et va et vient.
Aicha Bassou montait dans "tanessrit" (la chambre de l'étage), pour chercher les
ustensiles à thé. Elle avait sorti d'une commode en bois une belle théière et
des verres multicolores dont personne n'avait usé depuis plusieurs mois.
Dans les dessins de la théière et ceux des verres la poussière s'était mise formant
une croute noire.
Aicha ouvrit la fenêtre d'au dessus de "tariyath"(patio) et appela en direction
de la cuisine.
"Manikount?" (Où est-ce que vous êtes?)
Les deux adolescentes inséparables, hajou, la petite fille d'Aicha et tassekoutrt, sa
protégée, montaient en courant.
Prenez le service à thé et rincez-le à l'eau bouillante, faîtes vite. Et dîtes à Rabha,
sa bru, de préparer tassendout (le beurre du jour) aux invités. Et n'oubliez pas de
donner le petit lait à Rkia Rassou.
La vente des produits laitiers était une honte à Tighermin. Aicha offrait le petit lait en
surplus aux voisins qui n'avaient pas de vaches à traire.
Comme c'est le cas de Rkia Rassou, la mère de Rahou et de Talebicht. Rkia a eue une
pauvre vie où les déboires succèdaient aux maladies, la malchance à la guigne.
Les Ait Bassou la surnommaient Tanaimalt. Elle a été mal mariée plusieurs fois et
ses enfants de plusieurs lits poussent comme ils peuvent. Rkia venait d'accoucher pour
la neuvième fois. On allait servir le thé, Talebicht avait mis la petite table basse.
Ali Outemghart, le maître des séants, confortablement assis sur une peau de mouton,
près du vieux Nbarch préparait le thé. Il accomplissait soigneusement le rituel pour
honorer ses hôtes. L'odeur du "chiba"(absinthe) parfumait la salle.
Au mois de novembre, la menthe n'a pas eu encore le temps de pousser dans
ces contrées. Tassekourt apportait un grand plat en terre cuite contenant une
bonne pile de "baghrir"(crêpes) toutes chaudes et un grand bol de miel et de
beurre fondu. Tassekourt était très jolie. Elle avait des masses de cheveux. Ils étaient
noirs, rassemblés sous une "tassebnit" de couleur jaune grenat noués dans
la nuque. Lorsqu'elle les dénouait, ils tombait à ses hanches. Elle avait une bouche
fine, belle taille. "taqmout oubouri, tiddi n'temlalt", disait l'izli
(bouche fine et taille de gazelle).
Le vrai nom de la jeune fille est Touda, son surnom lui venait de sa belle démarche de
perdrix (tassekourt).
Ouadichan, que l'accent du terroir se refusait à quitter, fixait les belles chevilles de
tassekourt, c'est aux chevilles que les berbères de l'Atlas jugeaient les femmes.
Les grand mères conseillaient d'ailleurs aux jeunes filles les recettes à base
d'aristoloche(berreztem) pour avoir de belles chevilles.
Chakor la fixait des yeux jusqu'à en loucher.
Boufelja, Chakor et Ouadichan trempaient les crêpes dans le bol de beurre et de
miel en mangeant avec appêtit. Les deux étrangers de la région s'étonnaient de
la cordialité de l'hospitalité.
ouiiiiiiiiii pas le temps de lire pour moi aussi, je dois aller au boulot mais je le ferai très très prochainement merci wazitta pour ton effort
mohamed a écrit:ouiiiiiiiiii pas le temps de lire pour moi aussi, je dois aller au boulot mais je le ferai très très prochainement merci wazitta pour ton effort
Pas du tout un EFFORT pour moi momo
Un REEL PLAISIR cette histoire me REGALE de BONHEUR
car tellement BIEN NARREE par le docteur Mouhib
Un REEL PLAISIR cette histoire me REGALE de BONHEUR
car tellement BIEN NARREE par le docteur Mouhib
Le lendemain, Aicha Bassou s'éveilla la première. Avec l'âge, le sommeil s'amenuise.
Ce matin tombait une pluie fine et froide, mais si peu abondante que certainement
le sol restera sec et qu'il y aura demain autant de poussière qu'hier.
Aicha se dirigea tout droit vers l'autre côté de la maison où il y avait encore une
petite cour, au milieu de laquelle il y avait un enclos (tazribt).
Jouxtant la petite cour, il y avait une chambre d'où sortait justement
Mah Oukousr : un jeune d'une trentaine d'années bien bâti. C'était l'homme à
tout faire de la maison, l'homme le plus proche pour Aicha, après son fils Ali.
C'est avec Mah que Aicha discutait de tout.
Mah, fils adoptif d'une cousine de Aicha, avait comme la majorité des gens en
montagne appris tout seul le métier de la terre. Il s'occupait du verger familial,
soignait les animaux, et engraissait le beau troupeau de moutons que
Ali Outamghart préparait pour l'Aid akhatar.
Il les vendait à Azaghar (plaine).Cette activité fait chaque année des rentrées
respectables pour la famille d'Aicha Bassou.
Aicha, après la mort de son père et de son mari, veillait au grain, elle organisait
la vie ménagère, mais dirigeait aussi les affaires et les activités agricoles.
Elle ordonnait à Mah Oukousr, la tâche de la semaine, faire transporter le fumier
stocké depuis le dernier été de l' "abedouz" au jardin familial, et ceci avant
l'arrivée des premières pluies.
Mha hochait de la tête respectueusement.
"achi aâoun rebbi"
Aicha lui souhaita bon courage et prit congés de lui. Elle alla vers la volaille.
Ifouloussen venaient en courant vers la vieille femme qui les appelait en poussant des
"koulous, koulous" pour la béquetée.
Les hôtes dormaient encore d'un sommeil épais. Les "thoutliouines"(brochettes de foie)
et les quartiers du bouc embrochés et rôtis à la braise, servis durant le dîner, avaient
alourdis les corps. Le menu était excellent. Le docteur Boufelja et l'infirmier Chakor
l'avaient savouré avec d'autant de plaisir que c'était le repas de la vieille tradition
amazigh qu'ils mangeait pour la première fois.
Ce matin tombait une pluie fine et froide, mais si peu abondante que certainement
le sol restera sec et qu'il y aura demain autant de poussière qu'hier.
Aicha se dirigea tout droit vers l'autre côté de la maison où il y avait encore une
petite cour, au milieu de laquelle il y avait un enclos (tazribt).
Jouxtant la petite cour, il y avait une chambre d'où sortait justement
Mah Oukousr : un jeune d'une trentaine d'années bien bâti. C'était l'homme à
tout faire de la maison, l'homme le plus proche pour Aicha, après son fils Ali.
C'est avec Mah que Aicha discutait de tout.
Mah, fils adoptif d'une cousine de Aicha, avait comme la majorité des gens en
montagne appris tout seul le métier de la terre. Il s'occupait du verger familial,
soignait les animaux, et engraissait le beau troupeau de moutons que
Ali Outamghart préparait pour l'Aid akhatar.
Il les vendait à Azaghar (plaine).Cette activité fait chaque année des rentrées
respectables pour la famille d'Aicha Bassou.
Aicha, après la mort de son père et de son mari, veillait au grain, elle organisait
la vie ménagère, mais dirigeait aussi les affaires et les activités agricoles.
Elle ordonnait à Mah Oukousr, la tâche de la semaine, faire transporter le fumier
stocké depuis le dernier été de l' "abedouz" au jardin familial, et ceci avant
l'arrivée des premières pluies.
Mha hochait de la tête respectueusement.
"achi aâoun rebbi"
Aicha lui souhaita bon courage et prit congés de lui. Elle alla vers la volaille.
Ifouloussen venaient en courant vers la vieille femme qui les appelait en poussant des
"koulous, koulous" pour la béquetée.
Les hôtes dormaient encore d'un sommeil épais. Les "thoutliouines"(brochettes de foie)
et les quartiers du bouc embrochés et rôtis à la braise, servis durant le dîner, avaient
alourdis les corps. Le menu était excellent. Le docteur Boufelja et l'infirmier Chakor
l'avaient savouré avec d'autant de plaisir que c'était le repas de la vieille tradition
amazigh qu'ils mangeait pour la première fois.
Assise sur un bout de tronc de chêne, Aicha Bassou préparait, dans la moitié d'une
ancienne "tazleft" en bois, le repas pour son fidèle chien : Meksaou ; un Aidi (berger de l'Atlas),
bon gardien de troupeau, un brave chien. Meksaou est aussi usé par le temps que sa
maîtresse. Il était tout content devant son plat d'ilemen (son) et remuait sa
queue pelée.
Brusquement, un cri énorme s'éleva tout près d'elle. Elle sursauta. C'était
"ashorod" de son âne.
Alatif, aaoudou billahi min chitan rajim ! (je me fie à Allah, contre satan le maudit !).
Et s'adressant à son âne
Tssekert meden aya ghendour ! (tu as réveillé les gens, espèce de tocard !)
D'autres ânes répondirent beaucoup plus loin.
Dans la chambre attenante à la cuisine, Rabha n'Ali, la bru de Aicha Bassou,
réveilla sa fille Hajjou et sa nièce Tasekourt.
Vous êtes si intimes toutes les deux que vous n'avez pas arrêté de parler toute la nuit.
Effectivement, les deux jeunes filles avaient passé presque toute la nuit à discuter.
Assises dans un coin douillet près d'almessi, une lampe à carbure accrochée à une
poutre en bois projetait sa lueur sur leurs beaux visages. Hajjou qui savait dans quelle
humeur se trouvait Tassekourt faisait exprès de la taquiner.
Il y a quelques mois, on te critiquait pour ta gaité exagérée.
Maintenant, tu peux rester des heures silencieuses, perdues dans tes réflexions,
kissi medem ijran (dis-moi ce qui ne va pas).
Tassekourt sentait la plaie de son coeur se rouvrir douloureusement. Elle poussa
une profonde "tikht".
Hajjou se rapprocha d'elle et la pris par achdad de sa couverture et lui dit
d'une voix douce :
Touda, Touda ! (son vrai nom)
Un oui confus, lui parvint en guise de réponse, suivi d'un autre grand soupir.
Pourquoi tant de soupirs ? Aurais-tu une peine de coeur ?
Je n'ai rien, répondit Tassekourt. Elle resta un bon moment silencieuse, puis, murmura :
Toufi l'mout dounit (je pense qu'il serait préfèrable pour moi que je meure).
Et toute la nuit, Tassekourt raconta à sa cousine la principale raison pour laquelle
son humeur s'était assombrie. Elle lui avait détaillé, ses préoccupations et le
problème qui rongeait son coeur et qui l'avait pousser à fuguer de Taghzout, où
elle vivait avec sa famille chez sa tante à Tighermin.
Hajjou était touchée, elle s'efforçait de présenter un visage souriant et, à un moment,
attira sa cousine vers elle.
Au réveil, les paroles de Tassekourt continuaient à résonner dans ses oreilles.
Hajjou comptait, après le départ des hôtes, rapporter les propos pleins de désespoir de
Tassekourt à sa grand-mère Nana Aicha. Elle était presque certaine que
Aicha Bassou intercèderait en sa faveur.
Dehors le ciel était gris et blanc, et on entendait les "iqajoun" croasser au dessus des
maisons de Tighermin.
ancienne "tazleft" en bois, le repas pour son fidèle chien : Meksaou ; un Aidi (berger de l'Atlas),
bon gardien de troupeau, un brave chien. Meksaou est aussi usé par le temps que sa
maîtresse. Il était tout content devant son plat d'ilemen (son) et remuait sa
queue pelée.
Brusquement, un cri énorme s'éleva tout près d'elle. Elle sursauta. C'était
"ashorod" de son âne.
Alatif, aaoudou billahi min chitan rajim ! (je me fie à Allah, contre satan le maudit !).
Et s'adressant à son âne
Tssekert meden aya ghendour ! (tu as réveillé les gens, espèce de tocard !)
D'autres ânes répondirent beaucoup plus loin.
Dans la chambre attenante à la cuisine, Rabha n'Ali, la bru de Aicha Bassou,
réveilla sa fille Hajjou et sa nièce Tasekourt.
Vous êtes si intimes toutes les deux que vous n'avez pas arrêté de parler toute la nuit.
Effectivement, les deux jeunes filles avaient passé presque toute la nuit à discuter.
Assises dans un coin douillet près d'almessi, une lampe à carbure accrochée à une
poutre en bois projetait sa lueur sur leurs beaux visages. Hajjou qui savait dans quelle
humeur se trouvait Tassekourt faisait exprès de la taquiner.
Il y a quelques mois, on te critiquait pour ta gaité exagérée.
Maintenant, tu peux rester des heures silencieuses, perdues dans tes réflexions,
kissi medem ijran (dis-moi ce qui ne va pas).
Tassekourt sentait la plaie de son coeur se rouvrir douloureusement. Elle poussa
une profonde "tikht".
Hajjou se rapprocha d'elle et la pris par achdad de sa couverture et lui dit
d'une voix douce :
Touda, Touda ! (son vrai nom)
Un oui confus, lui parvint en guise de réponse, suivi d'un autre grand soupir.
Pourquoi tant de soupirs ? Aurais-tu une peine de coeur ?
Je n'ai rien, répondit Tassekourt. Elle resta un bon moment silencieuse, puis, murmura :
Toufi l'mout dounit (je pense qu'il serait préfèrable pour moi que je meure).
Et toute la nuit, Tassekourt raconta à sa cousine la principale raison pour laquelle
son humeur s'était assombrie. Elle lui avait détaillé, ses préoccupations et le
problème qui rongeait son coeur et qui l'avait pousser à fuguer de Taghzout, où
elle vivait avec sa famille chez sa tante à Tighermin.
Hajjou était touchée, elle s'efforçait de présenter un visage souriant et, à un moment,
attira sa cousine vers elle.
Au réveil, les paroles de Tassekourt continuaient à résonner dans ses oreilles.
Hajjou comptait, après le départ des hôtes, rapporter les propos pleins de désespoir de
Tassekourt à sa grand-mère Nana Aicha. Elle était presque certaine que
Aicha Bassou intercèderait en sa faveur.
Dehors le ciel était gris et blanc, et on entendait les "iqajoun" croasser au dessus des
maisons de Tighermin.
Les jeunes filles sortirent. Elles traversèrent la cour pour vaquer à leurs tâches
domestiques habituelles. Tasekourt, en fille laborieuse (tamehroucht), aidait au
ménage depuis son arrivée chez Ait Bassou, il y a environ une semaine.
L"Amazigh" , conscient qu'aucune beauté n'est exempte de défauts, préfère que sa
future épouse soit plustôt travailleuse et bonne ménagère (tameroucht). Il accorde à
cette qualité lahrachit, plus de valeur qu'à la beauté physique. Tasekourt, Hajjou Talebicht et
toutes les filles de la région son élevées depuis leur bas âge dans cet esprit.
Chaque matin, Tasekourt s'installait près de l'unique vache d'Aicha Bassou. Une belle
vache au poil roux, de race locale, et faisait habilement gicler un lait mousseux dans
un seau de zinc. Hajjou, ramassait les oeufs du jour et allait chercher l'eau de
l'aghbalou, à quelques centaines de mètres de la maison. L'aghbalou de Tighermin est
unique, c'est une source abondante, intarissable, elle alimente plusieurs ruisseaux
en aval. L'eau est limpide et glaciale. Elle a le goût de la roche et de la terre de la
chaine montagneuse Ayachi-Moaskar.
L'enfant de deux ans sur le dos, Rabha mettait Toumlilt sur l'almessi et préparait
"Bouchiyer" pour le petit déjeuner. Ouadichen parut au seuil de la chambre où il a
passé la nuit avec ses amis. Il devait avoir l'âge de M'Ha Oukousser, la lumière du
jour mettait en évidence son visage osseux avec un menton creusé d'une fossette
que sa lame de rasoir habituelle "minora" ne parvenait jamais à raser tout à fait.
Il portait une veste en cuir usé, sans doute achetée d'occasion à la "joutia" le
fameux marché aux puces "l'hofra" de Midelt. Il se dirigea, vers Aicha Bassou qui
discutait avec son fils Ali, le programme du jour. Il leur souhaita la bonne journée,
baisa la main de Aicha avant de s'asseoir sur une souche près d'eux.
Lequel des Ait Ouadichan est ton père?
Bennacer, paix sur son âme !
Je ne l'ai pas connu, par contre, j'ai bien connu son frère Feu Lahcen. Il était l'ami
d'armes de l'"ourhin" Said Oualibou , le père de mon fils Ali.
Said Oualibou, le mari de Aicha Bassou, était porté disparu, dans les années
50-54 en Indochine.
Said Oualibou et Bennacer Ouadichan furent partie " des indigènes" qui se sont
battus pour la France, mais que l'on a oublié aujourd'hui.
Aicha et son fils gardaient de cet épisode de leur vie des souvenirs douloureux.
domestiques habituelles. Tasekourt, en fille laborieuse (tamehroucht), aidait au
ménage depuis son arrivée chez Ait Bassou, il y a environ une semaine.
L"Amazigh" , conscient qu'aucune beauté n'est exempte de défauts, préfère que sa
future épouse soit plustôt travailleuse et bonne ménagère (tameroucht). Il accorde à
cette qualité lahrachit, plus de valeur qu'à la beauté physique. Tasekourt, Hajjou Talebicht et
toutes les filles de la région son élevées depuis leur bas âge dans cet esprit.
Chaque matin, Tasekourt s'installait près de l'unique vache d'Aicha Bassou. Une belle
vache au poil roux, de race locale, et faisait habilement gicler un lait mousseux dans
un seau de zinc. Hajjou, ramassait les oeufs du jour et allait chercher l'eau de
l'aghbalou, à quelques centaines de mètres de la maison. L'aghbalou de Tighermin est
unique, c'est une source abondante, intarissable, elle alimente plusieurs ruisseaux
en aval. L'eau est limpide et glaciale. Elle a le goût de la roche et de la terre de la
chaine montagneuse Ayachi-Moaskar.
L'enfant de deux ans sur le dos, Rabha mettait Toumlilt sur l'almessi et préparait
"Bouchiyer" pour le petit déjeuner. Ouadichen parut au seuil de la chambre où il a
passé la nuit avec ses amis. Il devait avoir l'âge de M'Ha Oukousser, la lumière du
jour mettait en évidence son visage osseux avec un menton creusé d'une fossette
que sa lame de rasoir habituelle "minora" ne parvenait jamais à raser tout à fait.
Il portait une veste en cuir usé, sans doute achetée d'occasion à la "joutia" le
fameux marché aux puces "l'hofra" de Midelt. Il se dirigea, vers Aicha Bassou qui
discutait avec son fils Ali, le programme du jour. Il leur souhaita la bonne journée,
baisa la main de Aicha avant de s'asseoir sur une souche près d'eux.
Lequel des Ait Ouadichan est ton père?
Bennacer, paix sur son âme !
Je ne l'ai pas connu, par contre, j'ai bien connu son frère Feu Lahcen. Il était l'ami
d'armes de l'"ourhin" Said Oualibou , le père de mon fils Ali.
Said Oualibou, le mari de Aicha Bassou, était porté disparu, dans les années
50-54 en Indochine.
Said Oualibou et Bennacer Ouadichan furent partie " des indigènes" qui se sont
battus pour la France, mais que l'on a oublié aujourd'hui.
Aicha et son fils gardaient de cet épisode de leur vie des souvenirs douloureux.
Aicha Bassou racontait :
Je suis née à Tghermine, une année que la mémoire locale n'oubliera jamais :
l'année de "Tin Tzizaout".
Benha Boulakhouad, le rigolo du village, me taquinait toujours en disant :
Ta naissance Aicha a été un grand événement ! Elle a été saluée par le roulement
des armes à feux, pas ceux d'une fantasia. Mieux ! ceux d'une guerre
Mon cousin le rebouteux, qui se rappelle de la journée de ma naissance comme
si c'était hier, me disait : " ce jour là une fusillade a eu lieu tout près de notre village
dans les montagnes difficiles d'accès d'Aghedou. C'était le commencement de la
guerre entre l'armée de l'occupation et les hommes du résistant téméraire
Sidi El Mekki. Un massacre. Une hécatombe. Le nombre des "iaarimen" tombés dans
le champ d'honneur se comptaient par dizaines.
Il ajoutait : Tu as failli naître dans le cimetière de l'Igherm, il s'en était fallu de peu.
Ta mère, paix sur son âme ! avait eu " Oqdiaâ" (les premiers signes de l'accouchement) au
moment où elle participait aux côtés des femmes de l'Ighrem à la cérémonie
macabre "Ouiyha". Au moment où les pleurs et les cris " awa hay " atteignaient leur
paroxysmes, les contractions s'étaient accentuées.
Le destin m'avait épargné ce désagrément " Tourhimt" avait eu juste le temps de me
déposer sur une peau de mouton dans la maison la plus proche du cimetière.
Mes parents étaient des gens comme on en fait plus, tous les deux d'une forte carrure.
Une sélection de la nature. J'étais la troisième d'une fratrie de cinq enfants, un garçon et
quatre filles, sans compter les morts en couches.
Mon père était passé maître aux champs et à l'écurie. Il cultivait lui-même ses terres,
donnait à manger aux bêtes. Il buvait le lait de ses chèvres et on ne l'a jamais vu aller au
souk avec un sac sur l'épaule pour acheter le blé. Il entretenait avec beaucoup de zèle
son " Ahdadi " (le cheval berbère), c'était sa fierté.
Il faisait partie des valeureux cavaliers de "Taqbilt".
Aicha Bassou se plaisait à évoquer cette époque. Elle continua :
Après le décès accidentel de mon frère et le mariage de toutes mes soeurs, mon père
m'accordait tout son temps libre. Jamais il ne revenait des champs où de la forêt sans
s'informer d'abord à mon sujet. Il m'avait appris, que Dieu ait son âme, à marchander au
souk, à s'occuper de l'élevage des ovins, à manier le fusil " Bouchfer" avec dextérité.
Il avait fait de moi une cavalière hors pair. Il m'avait appris à rivaliser avec les
meilleurs cavaliers de la région. J'avais participé à des fantasias régionales à Tizi N'Imneyn
chez les Ait Ayach et à Igr N'Jamaâ à Aghbala chez les Ait Soukhman.
Dans "Tassrebt" (l'équipe) des Ait Bassou, il y avait toujours à côté de moi, mon futur mari,
le père d'Ali. Nous étions jeunes et beaux, j'avais à cette période l'âge de Tasekourt.
J'avais moi aussi, la même taille fine à cet âge, les mêmes cheveux noirs, et la
même ardeur de vivre.
Aicha marque une pause et soupira profondément avant de continuer :
Mon père n'avait jamais fait de différence entre les garçons et les filles. J'ai appris avec lui
à m'imposer " au nez et à la barbe de la gente masculine".
Quand à ma mère, elle me chérissait également, elle avait fait de moi la fille laborieuse
Maitrisant les travaux ménagers et ceux de la laine.
J'ai eu leur bénédiction. " Ahn'Irhem rebbi ! ".
Il y avait dans le vent léger l'odeur du fumier que M'Ha transportait au verger.
Je suis née à Tghermine, une année que la mémoire locale n'oubliera jamais :
l'année de "Tin Tzizaout".
Benha Boulakhouad, le rigolo du village, me taquinait toujours en disant :
Ta naissance Aicha a été un grand événement ! Elle a été saluée par le roulement
des armes à feux, pas ceux d'une fantasia. Mieux ! ceux d'une guerre
Mon cousin le rebouteux, qui se rappelle de la journée de ma naissance comme
si c'était hier, me disait : " ce jour là une fusillade a eu lieu tout près de notre village
dans les montagnes difficiles d'accès d'Aghedou. C'était le commencement de la
guerre entre l'armée de l'occupation et les hommes du résistant téméraire
Sidi El Mekki. Un massacre. Une hécatombe. Le nombre des "iaarimen" tombés dans
le champ d'honneur se comptaient par dizaines.
Il ajoutait : Tu as failli naître dans le cimetière de l'Igherm, il s'en était fallu de peu.
Ta mère, paix sur son âme ! avait eu " Oqdiaâ" (les premiers signes de l'accouchement) au
moment où elle participait aux côtés des femmes de l'Ighrem à la cérémonie
macabre "Ouiyha". Au moment où les pleurs et les cris " awa hay " atteignaient leur
paroxysmes, les contractions s'étaient accentuées.
Le destin m'avait épargné ce désagrément " Tourhimt" avait eu juste le temps de me
déposer sur une peau de mouton dans la maison la plus proche du cimetière.
Mes parents étaient des gens comme on en fait plus, tous les deux d'une forte carrure.
Une sélection de la nature. J'étais la troisième d'une fratrie de cinq enfants, un garçon et
quatre filles, sans compter les morts en couches.
Mon père était passé maître aux champs et à l'écurie. Il cultivait lui-même ses terres,
donnait à manger aux bêtes. Il buvait le lait de ses chèvres et on ne l'a jamais vu aller au
souk avec un sac sur l'épaule pour acheter le blé. Il entretenait avec beaucoup de zèle
son " Ahdadi " (le cheval berbère), c'était sa fierté.
Il faisait partie des valeureux cavaliers de "Taqbilt".
Aicha Bassou se plaisait à évoquer cette époque. Elle continua :
Après le décès accidentel de mon frère et le mariage de toutes mes soeurs, mon père
m'accordait tout son temps libre. Jamais il ne revenait des champs où de la forêt sans
s'informer d'abord à mon sujet. Il m'avait appris, que Dieu ait son âme, à marchander au
souk, à s'occuper de l'élevage des ovins, à manier le fusil " Bouchfer" avec dextérité.
Il avait fait de moi une cavalière hors pair. Il m'avait appris à rivaliser avec les
meilleurs cavaliers de la région. J'avais participé à des fantasias régionales à Tizi N'Imneyn
chez les Ait Ayach et à Igr N'Jamaâ à Aghbala chez les Ait Soukhman.
Dans "Tassrebt" (l'équipe) des Ait Bassou, il y avait toujours à côté de moi, mon futur mari,
le père d'Ali. Nous étions jeunes et beaux, j'avais à cette période l'âge de Tasekourt.
J'avais moi aussi, la même taille fine à cet âge, les mêmes cheveux noirs, et la
même ardeur de vivre.
Aicha marque une pause et soupira profondément avant de continuer :
Mon père n'avait jamais fait de différence entre les garçons et les filles. J'ai appris avec lui
à m'imposer " au nez et à la barbe de la gente masculine".
Quand à ma mère, elle me chérissait également, elle avait fait de moi la fille laborieuse
Maitrisant les travaux ménagers et ceux de la laine.
J'ai eu leur bénédiction. " Ahn'Irhem rebbi ! ".
Il y avait dans le vent léger l'odeur du fumier que M'Ha transportait au verger.
La consultation médicale avait eu lieu dans une ancienne pièce en pisée. Les murs étaient
un peu lézardés et bombés par endroits mais ils étaient solides quand même car ils
étaient épais et les fondements profonds.
De tous les coins de Tighermin, ils étaient venus, des femmes accompagnés de leurs enfants,
malades et non malades, elles ne pouvaient laisser seuls ces derniers à la maison.
Notre équipe médicale était vraiment débordée. Les femmes se bousculaient sur le pas de la
porte. Elles parlaient à haute voix et criaient même
nekkine aydi zouarn (c'est moi la première)
ouhou, nekkine (non c'est moi)
Mais non,
Si, si...
Je m'en vais, dit une autre, berrakh douansen (je n'ai pas besoin de leurs médicaments)
Les infirmiers ne s'étaient pas laissés intimidés : aidés par les trois jeunes volontaires qui
avaient ramené les médicaments et le matériel médical de la voiture avaient réussi à
remettre de l'ordre.
Dr Boufelja avait enlevé son manteau et enfilé sa blouse blanche, insigne de sa fonction.
Il essayait de se faire une idée précise de la situation.
Comptez les enfants atteints de la rougeole et donnez la priorité à ceux qui toussent.
Il y avait de nombreux gamins, tout rouges, légèrement vêtus d'une djellabas ou de gandouras,
les jambes et les lèvres bleutées par le froid.
Ouadichan et Chakour procédaient au triage. Au bout d'un moment, ils tendaient la liste
des malades au médecin. Dr Boufelja programma alors une consultation de trois jours.
La salle de consultation provisoire, bordait la petite place du village (un grand " anrar" avec
un " bougjidi" au centre). Quelques fois, des jeux (tighilt, tandoua, hih, quenyoufer....) et des
divertissements (ahidous, boughanim) s'y déroulaient. De l'autre côté de la place, il y avait
une petite mosquée sans minaret jouxtant la boutique et la maison du forgeron.
Les vieux du village, enroulés dans leur burnous d'hiver dont la trame était grossièrement
tissée et rêche, passaient des heures entières à se réchauffer au soleil dans la place.
Rahou, aneghdim (le vilain petit garçon), s'était mis en tête de venir à la consultation.
De temps en temps, quand la fantaisie lui en passait, il faisait des croches pieds
aux jeunes filles pour le seul plaisir de les voir s'étaler sur le sol.
A midi, une jeune fille vêtue d'amples "itfesen", superposés et multicolores nous
apporta à manger. Elle portait sur la tête une "tissouit" contenant un tagine et
trois plats chauds. Elle marchait tout doucement, et regardait en coin pour garder
l'équilibre. C'était la fille d'un autre notable du village Said Ouamalich.
L'odeur du tagine "ntalfin"au poulet local et du pain chaud qui venait d'être tiré
du four à main embaumait la pièce.
Chakour dit :
L'hospitalité n'est pas un mythe ici.
Ouadichan, tout fier du comportement des siens, répondit :
Le même scénario devrait se reproduire dans chaque village de la région.
Au début de l'après midi, Aicha Bassou nous amena son dernier petit fils, âgé de trois ans.
Elle le portait sur le dos. Elle l'avait nommé Benacer en mémoire de son mari porté
disparu en Indochine. Le petit avait le visage légèrement rouge et une toux sèche.
A soixante dix ans passés, Aicha Bassou restait mère de ses petits enfants comme elle
avait été celle de son fils unique Ali. Ouadichan l'avait fait entrer la première.
Aucune des autres femmes qui étaient là avant elle n'avaient rouspété.
Aicha Bassou était crainte, jalousée mais aussi aimée à Tighrmin. On la craint parce qu'elle
s'attachait à sa personne un charisme et un pouvoir mystérieux.
Son père ayant été "amghar", son mari militaire et son fils moqadem, on la considère
comme étant elle aussi du makhzen. On la jalouse aussi parce qu'elle a " son pain de cuit"
(iouejd oughroumess). Elle touchait tous les trois mois une retraite, la pension de
son défunt mari.
Mais on aime aussi Aicha Bassou pour sa sagesse, sa droiture, ses arbitrages dans les
conflits familiaux du village et aussi parce que, avec elle, il y a quelque chose à
"gratter" elle donnait toujours facilement à manger à ceux qui avaient faim. Et puis,
elle aimait beaucoup les enfants, les siens et ceux des autres .
un peu lézardés et bombés par endroits mais ils étaient solides quand même car ils
étaient épais et les fondements profonds.
De tous les coins de Tighermin, ils étaient venus, des femmes accompagnés de leurs enfants,
malades et non malades, elles ne pouvaient laisser seuls ces derniers à la maison.
Notre équipe médicale était vraiment débordée. Les femmes se bousculaient sur le pas de la
porte. Elles parlaient à haute voix et criaient même
nekkine aydi zouarn (c'est moi la première)
ouhou, nekkine (non c'est moi)
Mais non,
Si, si...
Je m'en vais, dit une autre, berrakh douansen (je n'ai pas besoin de leurs médicaments)
Les infirmiers ne s'étaient pas laissés intimidés : aidés par les trois jeunes volontaires qui
avaient ramené les médicaments et le matériel médical de la voiture avaient réussi à
remettre de l'ordre.
Dr Boufelja avait enlevé son manteau et enfilé sa blouse blanche, insigne de sa fonction.
Il essayait de se faire une idée précise de la situation.
Comptez les enfants atteints de la rougeole et donnez la priorité à ceux qui toussent.
Il y avait de nombreux gamins, tout rouges, légèrement vêtus d'une djellabas ou de gandouras,
les jambes et les lèvres bleutées par le froid.
Ouadichan et Chakour procédaient au triage. Au bout d'un moment, ils tendaient la liste
des malades au médecin. Dr Boufelja programma alors une consultation de trois jours.
La salle de consultation provisoire, bordait la petite place du village (un grand " anrar" avec
un " bougjidi" au centre). Quelques fois, des jeux (tighilt, tandoua, hih, quenyoufer....) et des
divertissements (ahidous, boughanim) s'y déroulaient. De l'autre côté de la place, il y avait
une petite mosquée sans minaret jouxtant la boutique et la maison du forgeron.
Les vieux du village, enroulés dans leur burnous d'hiver dont la trame était grossièrement
tissée et rêche, passaient des heures entières à se réchauffer au soleil dans la place.
Rahou, aneghdim (le vilain petit garçon), s'était mis en tête de venir à la consultation.
De temps en temps, quand la fantaisie lui en passait, il faisait des croches pieds
aux jeunes filles pour le seul plaisir de les voir s'étaler sur le sol.
A midi, une jeune fille vêtue d'amples "itfesen", superposés et multicolores nous
apporta à manger. Elle portait sur la tête une "tissouit" contenant un tagine et
trois plats chauds. Elle marchait tout doucement, et regardait en coin pour garder
l'équilibre. C'était la fille d'un autre notable du village Said Ouamalich.
L'odeur du tagine "ntalfin"au poulet local et du pain chaud qui venait d'être tiré
du four à main embaumait la pièce.
Chakour dit :
L'hospitalité n'est pas un mythe ici.
Ouadichan, tout fier du comportement des siens, répondit :
Le même scénario devrait se reproduire dans chaque village de la région.
Au début de l'après midi, Aicha Bassou nous amena son dernier petit fils, âgé de trois ans.
Elle le portait sur le dos. Elle l'avait nommé Benacer en mémoire de son mari porté
disparu en Indochine. Le petit avait le visage légèrement rouge et une toux sèche.
A soixante dix ans passés, Aicha Bassou restait mère de ses petits enfants comme elle
avait été celle de son fils unique Ali. Ouadichan l'avait fait entrer la première.
Aucune des autres femmes qui étaient là avant elle n'avaient rouspété.
Aicha Bassou était crainte, jalousée mais aussi aimée à Tighrmin. On la craint parce qu'elle
s'attachait à sa personne un charisme et un pouvoir mystérieux.
Son père ayant été "amghar", son mari militaire et son fils moqadem, on la considère
comme étant elle aussi du makhzen. On la jalouse aussi parce qu'elle a " son pain de cuit"
(iouejd oughroumess). Elle touchait tous les trois mois une retraite, la pension de
son défunt mari.
Mais on aime aussi Aicha Bassou pour sa sagesse, sa droiture, ses arbitrages dans les
conflits familiaux du village et aussi parce que, avec elle, il y a quelque chose à
"gratter" elle donnait toujours facilement à manger à ceux qui avaient faim. Et puis,
elle aimait beaucoup les enfants, les siens et ceux des autres .
Ayant fini la consultation, nous sortions faire un tour dans les ruelles étroites de Tighermin.
Nous croisions des femmes qui déhanchaient sous des fardeaux d'herbes et de luzerne. On
entendit des claquements des sabots au tournant des ruelles. Des hommes menaient leurs
ânes dont le chargement de bois mort ballotait à chaque pas. C'était l'heure du retour des
champs et de la forêt. Les vaches de "taouala" entraient une à une dans leurs maisons.
Elles connaissaient la route " par coeur"
Le mulet de Mha Ou Kousser transportait le dernier "zenbil " de fumier de la journée vers
le verger d'Aicha Bassou. L'odeur de bouse de vache était pénétrante.
Près de la mosquée quelques personnes abordaient Boufelja et Chakor, ils leur
posaient des questions et discutaient avec eux. Les gens dans ces contrées sont
affables et cherchent le contact. Les Amazigh de l'Atlas se livrent facilement. Ils sont
chaleureux et gais. Ce qui contraste franchement avec le climat de la région réputé
froid et attristant.
Devant la seule boutique du village, une vieille femme, pliée en deux peinait à ouvrir sa
"takoumist" pour payer ses commissions. Elle avait les traits réguliers et le visage tatoué.
C'était Mouna Tamhaoucht, la guérisseuse et sorcière du village. Elle ne s'était jamais
mariée, elle n'a pas eu d'enfants, grand amie de Aicha Bassou qui croyait aveuglément en
ses pouvoirs depuis " la nuit du revenant". Mouna Tamhaoucht était respectée pour
sa "baraka". Faute de médecins dans la région, sa clientèle était nombreuse. Elle voyait
notre présence dans le pays en mauvais oeil. Pour elle, la rougeole était le fait des
puissances occultes, et les médecins ne peuvent rien contre les "Ait Rebbi ikhan".
Après la prière d'al asr nous montions à la maison du garde forestier, c'était là que nous
devions loger pendant le restant de notre séjour à Tighermin. Nous prenions par un temps
maussade, le sentier qui montait en zigzagant vers la maison forestière blottie sur une
colline. Nous nous trouvions enveloppés d'un brouillard opaque à tel point
qu'Ali Outemghart que nous suivions marchait au pas pour trouver sa route.
Heureusement que le brouillard s'est dissipé avant l'arrivée du haut de la colline. Nous
jouissions alors d'une vue rétrospective splendide sur Tighermin et les montagnes alentours.
Chakor, 82kg pour 1m60, gros fumeur, un citadin-né n'ayant jamais mis les pieds dans
les régions escarpés, peinait à suivre ses collègues. Il soufflait, il suait, et finit par arriver
avec une demie heure de retard.
La maison de Bouaari, était construite en pierres, elle possédait un étage avec une dizaine de
fenêtres mais, malheureusement, une bonne partie des tuiles avaient été arrachées par
les vents perpétuels qui soufflaient à cette altitude.
Les chiens de garde de cette maison isolée aboyaient.
Boujemaa, le garde forestier nous attendait. Il devait avoir l'âge de Ouddichan. Il portait sa
belle tenue de service. Boujemaa était célibataire et venait d'être affecté à Tighermin.
Il était accompagné de son ordonnance Mimoun Oukeza.
Il faisait chaud à l'intérieur, le poêle était bourré jusqu'à "imi".
Il brûlait avec un grondement, tellement le tirage était bon. Un petit moteur électrogène donnait
la lumière.
L'ambiance était conviviale.
Nous croisions des femmes qui déhanchaient sous des fardeaux d'herbes et de luzerne. On
entendit des claquements des sabots au tournant des ruelles. Des hommes menaient leurs
ânes dont le chargement de bois mort ballotait à chaque pas. C'était l'heure du retour des
champs et de la forêt. Les vaches de "taouala" entraient une à une dans leurs maisons.
Elles connaissaient la route " par coeur"
Le mulet de Mha Ou Kousser transportait le dernier "zenbil " de fumier de la journée vers
le verger d'Aicha Bassou. L'odeur de bouse de vache était pénétrante.
Près de la mosquée quelques personnes abordaient Boufelja et Chakor, ils leur
posaient des questions et discutaient avec eux. Les gens dans ces contrées sont
affables et cherchent le contact. Les Amazigh de l'Atlas se livrent facilement. Ils sont
chaleureux et gais. Ce qui contraste franchement avec le climat de la région réputé
froid et attristant.
Devant la seule boutique du village, une vieille femme, pliée en deux peinait à ouvrir sa
"takoumist" pour payer ses commissions. Elle avait les traits réguliers et le visage tatoué.
C'était Mouna Tamhaoucht, la guérisseuse et sorcière du village. Elle ne s'était jamais
mariée, elle n'a pas eu d'enfants, grand amie de Aicha Bassou qui croyait aveuglément en
ses pouvoirs depuis " la nuit du revenant". Mouna Tamhaoucht était respectée pour
sa "baraka". Faute de médecins dans la région, sa clientèle était nombreuse. Elle voyait
notre présence dans le pays en mauvais oeil. Pour elle, la rougeole était le fait des
puissances occultes, et les médecins ne peuvent rien contre les "Ait Rebbi ikhan".
Après la prière d'al asr nous montions à la maison du garde forestier, c'était là que nous
devions loger pendant le restant de notre séjour à Tighermin. Nous prenions par un temps
maussade, le sentier qui montait en zigzagant vers la maison forestière blottie sur une
colline. Nous nous trouvions enveloppés d'un brouillard opaque à tel point
qu'Ali Outemghart que nous suivions marchait au pas pour trouver sa route.
Heureusement que le brouillard s'est dissipé avant l'arrivée du haut de la colline. Nous
jouissions alors d'une vue rétrospective splendide sur Tighermin et les montagnes alentours.
Chakor, 82kg pour 1m60, gros fumeur, un citadin-né n'ayant jamais mis les pieds dans
les régions escarpés, peinait à suivre ses collègues. Il soufflait, il suait, et finit par arriver
avec une demie heure de retard.
La maison de Bouaari, était construite en pierres, elle possédait un étage avec une dizaine de
fenêtres mais, malheureusement, une bonne partie des tuiles avaient été arrachées par
les vents perpétuels qui soufflaient à cette altitude.
Les chiens de garde de cette maison isolée aboyaient.
Boujemaa, le garde forestier nous attendait. Il devait avoir l'âge de Ouddichan. Il portait sa
belle tenue de service. Boujemaa était célibataire et venait d'être affecté à Tighermin.
Il était accompagné de son ordonnance Mimoun Oukeza.
Il faisait chaud à l'intérieur, le poêle était bourré jusqu'à "imi".
Il brûlait avec un grondement, tellement le tirage était bon. Un petit moteur électrogène donnait
la lumière.
L'ambiance était conviviale.
Toute la maisonnée de Aicha Bassou était au courant du problème de Tassekourt.
Son père Oujeghrour, un pauvre paysan, avait donné son accord oral pour son mariage
en deuxième femme à Said Oubaw, un quinquagénaire, père de plusieurs enfants ; et cela
sans son consentement.
Elle savait peu de chose sur la famille des Ait Oubaw mais elle avait ouie dire que celle-ci
avait mauvaise réputation et que Said Oubaw était fainéant, "akemar" (joueur) et
amait fréquenter "tidial".
Elle avait appris tout cela d'une voisine dont les renseignements étaient sûrs. De plus
ses cousins et ses frères critiquaient souvent les Ait Oubaw dans leurs conversations.
Toutes ces considérations faisaient que Tassekourt ne trouvait rien qui vaille à ce mariage.
Mais, surtout, elle ne voulait pas quitter sa famille pour aller servir comme deuxième femme et
comme bru dans une autre famille ; surtout dans une famille semblable.
Elle sentait bien qu'elle ne pouvait rien faire d'autre qu'obéir à son père. Il était impossible
pour elle de poser des questions sur cette affaire.
Quant à sa mère, elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait compter sur son appui. Elle ne
saurait la comprendre. Jamais elle n'avait eu d'autre volonté que celle de son mari. Elle
écoutait en toute chose ce que disait Oujeghrour. Si Oujeghrour disait "tbekhin" alors
"tbekhin" ; jamais elle ne l'avait contredit d'un mot. Et pour elle, de toute façon c'est le père
qui devait décider du mariage de sa fille. C'était une évidence pour elle, et "c'est comme çà
au pays. Les générations d'avant avaient fait comme cela, les générations d'après
devraient suivre". Elle ne cessait de lui répéter :
aynam tcha tawen'nza nem ayna. (c'est ton destin)
Tassekourt n'avait pas achevé son récit qu'Aicha Bassou lui coupa la parole.
Ayelli, Oujeghrour et Fadma sont quand même tes parents. Ils ne peuvent pas marier leur
fille à n'importe qui.
Mais tu devrais savoir, Khalti Aicha, que les Ait Oubaw ont beaucoup d'argent. Bennacer
apporte chaque jour de souk un gigot d'agneau et une "tadouart"à mon père. Il est tombé sur
son point faible, "outchi". En outre mon père croit que Bennacer Oubaw, après le mariage, ne
laisserait dans le besoin les parents de sa femme. Il ne cesse de dire à ma mère que ce
mariage changerait notre vie. Bennacer aurait à sa charge notre pauvre famille : père, mère et
six frères et soeurs.
Il ne sait pas qu'il n'y a pas plus radin que les Ait Oubaw à Taghzout.
Voilà la principale raison pour laquelle Tassekourt était venue chez sa tante Rabha, la bru de
Aicha Bassou, pour lui demander son aide.
Après avoir achevé son récit Tassekourt appuya la tête sur ses genoux et se laissa aller à
pleurer d'une voix étouffée.
En voyant sa cousine dans cet état Hajjou mit son bras autour d'elle et la consola doucement.
Il y avait un silence lourd et insupportable que Aicha Bassou a rompu.
La situation ne semble pas désespérée, nous pouvons trouver une solution ...
Son père Oujeghrour, un pauvre paysan, avait donné son accord oral pour son mariage
en deuxième femme à Said Oubaw, un quinquagénaire, père de plusieurs enfants ; et cela
sans son consentement.
Elle savait peu de chose sur la famille des Ait Oubaw mais elle avait ouie dire que celle-ci
avait mauvaise réputation et que Said Oubaw était fainéant, "akemar" (joueur) et
amait fréquenter "tidial".
Elle avait appris tout cela d'une voisine dont les renseignements étaient sûrs. De plus
ses cousins et ses frères critiquaient souvent les Ait Oubaw dans leurs conversations.
Toutes ces considérations faisaient que Tassekourt ne trouvait rien qui vaille à ce mariage.
Mais, surtout, elle ne voulait pas quitter sa famille pour aller servir comme deuxième femme et
comme bru dans une autre famille ; surtout dans une famille semblable.
Elle sentait bien qu'elle ne pouvait rien faire d'autre qu'obéir à son père. Il était impossible
pour elle de poser des questions sur cette affaire.
Quant à sa mère, elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait compter sur son appui. Elle ne
saurait la comprendre. Jamais elle n'avait eu d'autre volonté que celle de son mari. Elle
écoutait en toute chose ce que disait Oujeghrour. Si Oujeghrour disait "tbekhin" alors
"tbekhin" ; jamais elle ne l'avait contredit d'un mot. Et pour elle, de toute façon c'est le père
qui devait décider du mariage de sa fille. C'était une évidence pour elle, et "c'est comme çà
au pays. Les générations d'avant avaient fait comme cela, les générations d'après
devraient suivre". Elle ne cessait de lui répéter :
aynam tcha tawen'nza nem ayna. (c'est ton destin)
Tassekourt n'avait pas achevé son récit qu'Aicha Bassou lui coupa la parole.
Ayelli, Oujeghrour et Fadma sont quand même tes parents. Ils ne peuvent pas marier leur
fille à n'importe qui.
Mais tu devrais savoir, Khalti Aicha, que les Ait Oubaw ont beaucoup d'argent. Bennacer
apporte chaque jour de souk un gigot d'agneau et une "tadouart"à mon père. Il est tombé sur
son point faible, "outchi". En outre mon père croit que Bennacer Oubaw, après le mariage, ne
laisserait dans le besoin les parents de sa femme. Il ne cesse de dire à ma mère que ce
mariage changerait notre vie. Bennacer aurait à sa charge notre pauvre famille : père, mère et
six frères et soeurs.
Il ne sait pas qu'il n'y a pas plus radin que les Ait Oubaw à Taghzout.
Voilà la principale raison pour laquelle Tassekourt était venue chez sa tante Rabha, la bru de
Aicha Bassou, pour lui demander son aide.
Après avoir achevé son récit Tassekourt appuya la tête sur ses genoux et se laissa aller à
pleurer d'une voix étouffée.
En voyant sa cousine dans cet état Hajjou mit son bras autour d'elle et la consola doucement.
Il y avait un silence lourd et insupportable que Aicha Bassou a rompu.
La situation ne semble pas désespérée, nous pouvons trouver une solution ...
je viens de finir les 3 premières parties, je peux dire que cette histoire contient des passages que j 'ai vécus, nombreuse scènes je les ai vécues .ça m a fait penser à mon enfance dans mon village natal , montrer le chemin vers une maison pour un étranger , lancer des étrangers par des pierres chercher les oeufs des oiseaux ....,j'ai aimé aussi les phrase en tamazight ...... merci waz , c promis je vais lire le reste
mohamed a écrit:je viens de finir les 3 premières parties, je peux dire que cette histoire contient des passages que j 'ai vécus, nombreuse scènes je les ai vécues .ça m a fait penser à mon enfance dans mon village natal , montrer le chemin vers une maison pour un étranger , lancer des étrangers par des pierres chercher les oeufs des oiseaux ....,j'ai aimé aussi les phrase en tamazight ...... merci waz , c promis je vais lire le reste
Chokrane momo pour ton intervention
Elle me transporte cette histoire, elle est tellement bien écrite, du vécu aussi pour l'auteur
Quand je l'ai découverte, je n'en ai lu que quelques passages et j'ai tout de suite flasché. Comme tu
le sais, j'adore les surprises et,
Comme vous tous, je découvre les épisodes au fur et à mesure que je mets sur ce forum.
Dès la première phrase, je suis happée par tous ces personnages auxquels je me mêle,
je les écoute, les regarde, partage avec eux leurs moments de joies et de peine. J'imagine sans
aucune difficulté tous ces paysages, et de surcroît, j'apprends (enfin prend des notes ) le
Tamazight.
Ce récit est toujours en phase de construction par son auteur, mais je crois qu'elle va bientôt
s'achever et il va en naître un livre que je vais tout de suite acheter dès qu'il sortira, parce que
j'aurais certainement envie de m'y replonger de temps en temps, et aussi en remerciement
à son auteur.
Mais pour ici, c'est encore loin d'être terminé, j'ai encore beaucoup d'épisodes à retranscrire,
je m'en régale déjà à l'avance....
Bonne lecture à Tous et à Toutes
Elle me transporte cette histoire, elle est tellement bien écrite, du vécu aussi pour l'auteur
Quand je l'ai découverte, je n'en ai lu que quelques passages et j'ai tout de suite flasché. Comme tu
le sais, j'adore les surprises et,
Comme vous tous, je découvre les épisodes au fur et à mesure que je mets sur ce forum.
Dès la première phrase, je suis happée par tous ces personnages auxquels je me mêle,
je les écoute, les regarde, partage avec eux leurs moments de joies et de peine. J'imagine sans
aucune difficulté tous ces paysages, et de surcroît, j'apprends (enfin prend des notes ) le
Tamazight.
Ce récit est toujours en phase de construction par son auteur, mais je crois qu'elle va bientôt
s'achever et il va en naître un livre que je vais tout de suite acheter dès qu'il sortira, parce que
j'aurais certainement envie de m'y replonger de temps en temps, et aussi en remerciement
à son auteur.
Mais pour ici, c'est encore loin d'être terminé, j'ai encore beaucoup d'épisodes à retranscrire,
je m'en régale déjà à l'avance....
Bonne lecture à Tous et à Toutes
Assis sous les chênes jumeaux multi centenaires et sacrés, ombrageant la source de
Tighermin, Ouaadichan se remémorait la discussion qu'il a eu avec son père, il y a
exactement trois ans.
Son père, le forgeron de Taghzout, lui faisait un signe, et tous deux s'assirent sur le rebord
d'un fossé.
Alors, ta décision est prise, tu te maries avec cette citadine ?
Ouaadichan, gêné, baissa la tête.
Oui, a baba, nighecht baada (je te l'avais déjà dit) Je t'avais dit aussi que Souad ne pourra
jamais se faire à la campagne. Elle ne peut pas vivre à Tounfit comme tu le suggères.
Ya, makh ? (pourquoi ?)
Ecoute baba, songes que Souad a toujours habité la ville de Meknes. Changer de vie
brusquement et venir vivre dans "tamara d'oukhoub" (misère et froid) de chez nous
est un peu risqué.
Il n'y aurait pas de misère, vous êtes deux "mouadafins", deux mandants en plus : Souadench
aurait pour la guider tes soeurs et tes cousines, est-ce donc si difficile
de s'y mettre ?
Je lui ai dit tout çà. Et je lui ai même dit que les médecins Français qui avaient pratiqué
à Tounfit menaient la belle vie, je lui ai vanté la vie calme de la région ; mais que veux tu,
elle ne peut se résigner à quitter la ville.
Meydech tinikh amemi, ikhoubach ouadou. (je te plains mon pauvre fils). Si elle t'aimait
véritablement, elle te suivrait.
J'ai insisté, elle a menacé de rompre.
Eh bien il fallait rompre, ayahyoud. Ourkhessan toutmin à Tounfit. (il ne manque pas de filles à
Tounfit, belles, simples et courageuses).
Ne parlons plus de cela mon père.
Tu as raison. N'en parlons plus, mais saches qu'à Meknes tu vas tirer la langue. Le loyer,
les dépenses journalières.... La bas, il faut avoir toujours le porte monnaie ouvert. Ton
salaire d'infirmier fondra comme neige au soleil.
Un mois après cette discussion, Ouadichan et Souad étaient mariés. Avec leur premier rappel
les jeunes infirmiers avaient célébré une cérémonie grandiose dans une salle de
fête à Meknes.
Personne de la famille du mari n'avait assisté et ceci parce que Souad quand elle était venue
à Taghzout avait laissé mauvaise impression chez les Ait Ouadichan.
Elle s'était comportée de façon hautaine et orgueilleuse. Elle ne cessait de montrer de manière
théâtrales ses doigts boudinés admettant difficilement des grosses bagues d'or, et quand
elle mangeait elle entrechoquait exprès à chacun de ses gestes les bracelets en or couvrant
ses poignets. Et avec ses chaussure noires aux épais talons des années vingt, elle ne savait
où mettre ses pieds comme s'il est déshonorant d'avoir un peu de terre sur les souliers.
Souad qui a passé une seule nuit à Taghzout ne cessait de dire aux soeurs et aux
cousines de Aadichan :
"Baz likoum" moi, si j'habitais Taghzout ou même Tounfit (chef lieu de la région),
je mourrai d'ennui.
Souad, la citadine née, ne vivait que par le côté extérieur et artificiel des choses. Cette
évidence n'a pas échappé à la famille Ouaadichan qui était défrisée par le comportement
de la future épouse de leur fils.
Aujourd'hui le couple est dans une situation qui ne lui permet pas de joindre les deux bouts
qu'à force de grands sacrifices.
Après ce retour en arrière, Ouaadichan prit un temps, se leva, but dans le creux des mains comme
au temps de son enfance l'eau fraiche et limpide d'Aghbalou.
Un jeune paysan, derrière son âne transportant un chouari de poires tardives
(tiffiras)le salua. Sur sa route le brave fellah rencontra la vieille guérisseuse du village.
Khalti Tamhaoucht, ourt'ghezat chen tfirass ? (vous ne croquez pas quelques poires?)
Smi amemi, mani oukhssan ? (avec quelles dents, mon fils ?)
Tighermin, Ouaadichan se remémorait la discussion qu'il a eu avec son père, il y a
exactement trois ans.
Son père, le forgeron de Taghzout, lui faisait un signe, et tous deux s'assirent sur le rebord
d'un fossé.
Alors, ta décision est prise, tu te maries avec cette citadine ?
Ouaadichan, gêné, baissa la tête.
Oui, a baba, nighecht baada (je te l'avais déjà dit) Je t'avais dit aussi que Souad ne pourra
jamais se faire à la campagne. Elle ne peut pas vivre à Tounfit comme tu le suggères.
Ya, makh ? (pourquoi ?)
Ecoute baba, songes que Souad a toujours habité la ville de Meknes. Changer de vie
brusquement et venir vivre dans "tamara d'oukhoub" (misère et froid) de chez nous
est un peu risqué.
Il n'y aurait pas de misère, vous êtes deux "mouadafins", deux mandants en plus : Souadench
aurait pour la guider tes soeurs et tes cousines, est-ce donc si difficile
de s'y mettre ?
Je lui ai dit tout çà. Et je lui ai même dit que les médecins Français qui avaient pratiqué
à Tounfit menaient la belle vie, je lui ai vanté la vie calme de la région ; mais que veux tu,
elle ne peut se résigner à quitter la ville.
Meydech tinikh amemi, ikhoubach ouadou. (je te plains mon pauvre fils). Si elle t'aimait
véritablement, elle te suivrait.
J'ai insisté, elle a menacé de rompre.
Eh bien il fallait rompre, ayahyoud. Ourkhessan toutmin à Tounfit. (il ne manque pas de filles à
Tounfit, belles, simples et courageuses).
Ne parlons plus de cela mon père.
Tu as raison. N'en parlons plus, mais saches qu'à Meknes tu vas tirer la langue. Le loyer,
les dépenses journalières.... La bas, il faut avoir toujours le porte monnaie ouvert. Ton
salaire d'infirmier fondra comme neige au soleil.
Un mois après cette discussion, Ouadichan et Souad étaient mariés. Avec leur premier rappel
les jeunes infirmiers avaient célébré une cérémonie grandiose dans une salle de
fête à Meknes.
Personne de la famille du mari n'avait assisté et ceci parce que Souad quand elle était venue
à Taghzout avait laissé mauvaise impression chez les Ait Ouadichan.
Elle s'était comportée de façon hautaine et orgueilleuse. Elle ne cessait de montrer de manière
théâtrales ses doigts boudinés admettant difficilement des grosses bagues d'or, et quand
elle mangeait elle entrechoquait exprès à chacun de ses gestes les bracelets en or couvrant
ses poignets. Et avec ses chaussure noires aux épais talons des années vingt, elle ne savait
où mettre ses pieds comme s'il est déshonorant d'avoir un peu de terre sur les souliers.
Souad qui a passé une seule nuit à Taghzout ne cessait de dire aux soeurs et aux
cousines de Aadichan :
"Baz likoum" moi, si j'habitais Taghzout ou même Tounfit (chef lieu de la région),
je mourrai d'ennui.
Souad, la citadine née, ne vivait que par le côté extérieur et artificiel des choses. Cette
évidence n'a pas échappé à la famille Ouaadichan qui était défrisée par le comportement
de la future épouse de leur fils.
Aujourd'hui le couple est dans une situation qui ne lui permet pas de joindre les deux bouts
qu'à force de grands sacrifices.
Après ce retour en arrière, Ouaadichan prit un temps, se leva, but dans le creux des mains comme
au temps de son enfance l'eau fraiche et limpide d'Aghbalou.
Un jeune paysan, derrière son âne transportant un chouari de poires tardives
(tiffiras)le salua. Sur sa route le brave fellah rencontra la vieille guérisseuse du village.
Khalti Tamhaoucht, ourt'ghezat chen tfirass ? (vous ne croquez pas quelques poires?)
Smi amemi, mani oukhssan ? (avec quelles dents, mon fils ?)
Dans la cuisine Hajjou et Tassekourt étaient bien installées sur "hahedoun". Hajjou se
dirigea lentement vers "almessi", prit la théière qui chauffait doucement sur les braises,
remplit un verre et s'adressa à sa cousine.
Veux-tu du thé ?
Donnes m'en donc un verre.
Attention, c'est chaud ! prévint Hajjou et elle se versa un verre pour elle-même.
Hajjou but une gorgée, cala son verre au creux de ses mains et s'adressa à Tassekourt.
J'ai constaté que tu ne dormais pas la nuit.
Tassekourt poussa un long soupir et répondit au bout d'un moment :
Je n'arrive pas à m'endormir, je reste allongée à penser à des tas de choses, et elle disait cela avec
un air de désespoir. Ses beaux yeux noirs étaient brillants de larmes. Hajjou
constata que le chagrin réhaussait la beauté de Tassekourt.
Cesse de te tourmenter, à propos de la famille Ait Oubahou !
Elle posa son verre de thé sur une table basse.
Je ne sais quoi faire, murmura-t-elle, tête baissée.
La situation, comme l'avait dit Nana Aicha n'est pas désespérée, et crois moi elle trouvera
une solution.
Quelle solution puis-je espérer ? Je suis jeune et faible et en réalité notre destin est ainsi fait.
Regarde notre cousine Fadma Oulbouche, elle vit le calvaire après son mariage forcé
avec Said Ouzdouz.
Ton père n'a vraiment pas de coeur, de vouloir envoyer ainsi une jeune fille belle et
"tamehroucht", dans une famille pareille, coupa Hajjou qui perdait son calme.
Et, au fait, est-ce qu'il est au courant de ton opposition à ce mariage ?
Je ne pense pas, répondit Tassekourt.
Tout cela, son père l'ignorait. Quand il rentra le soir de la fugue de sa fille, sa femme lui
apprit que Tassekourt était partie voir sa grand-mère malade qui avait réclamé son aide.
Il s'agit de "nannass" de Tounfit.
Elle savait que son mari ne pouvait supporter sa belle mère, aussi ne fut-elle pas surprise de
l'entendre dire : "toughzand" (tu as bien fait).
La mère de Tassekourt qui savait que sa fille ne peut-être que chez l'une de ses tantes avait
improvisé cette réponse pour éviter les foudres de son mari.
Le silence se fit. Tassekourt inspira plusieurs fois pour reprendre haleine, puis ajouta :
Ouallah ar houelkh bezzef. Bdikh inyer denb d'essekht n'loualdin d'yiouel n'Oubaou (ce qui me
trouble le plus, c'est la peur du péché : la malédiction des parents.)
Adakh issameh Rebbi zi'lhaq loualdin ! (Que Dieu nous pardonne les tourments que nous
causons à nos parents ! ) Cesse de penser à des choses pessimistes.
De nouveau Tassekourt se mit à sangloter comme une enfant. Ses larmes étaient grosses.
Elles tombaient sur le dos de ses mains.
Hajjou attira la tête de sa cousine vers elle et lui dit tendrement :
Il ne sert à rien de pleurer, cela ne peut que nuire à ta santé. Sèche tes larmes.
Adyamez Rebbi l'haq y'Oubaou ! (que Dieu maudisse Oubaou !)
Et elle ajouta : Ne t'en fais pas, Dieu et la providence veillent toujours sur les désespérés.
Dans l'autre salle Aicha Bassou discutait avec son cousin le rebouteux, elle hochait de temps
en temps la tête en laissant échapper des "aha yaha" nostalgiques.
dirigea lentement vers "almessi", prit la théière qui chauffait doucement sur les braises,
remplit un verre et s'adressa à sa cousine.
Veux-tu du thé ?
Donnes m'en donc un verre.
Attention, c'est chaud ! prévint Hajjou et elle se versa un verre pour elle-même.
Hajjou but une gorgée, cala son verre au creux de ses mains et s'adressa à Tassekourt.
J'ai constaté que tu ne dormais pas la nuit.
Tassekourt poussa un long soupir et répondit au bout d'un moment :
Je n'arrive pas à m'endormir, je reste allongée à penser à des tas de choses, et elle disait cela avec
un air de désespoir. Ses beaux yeux noirs étaient brillants de larmes. Hajjou
constata que le chagrin réhaussait la beauté de Tassekourt.
Cesse de te tourmenter, à propos de la famille Ait Oubahou !
Elle posa son verre de thé sur une table basse.
Je ne sais quoi faire, murmura-t-elle, tête baissée.
La situation, comme l'avait dit Nana Aicha n'est pas désespérée, et crois moi elle trouvera
une solution.
Quelle solution puis-je espérer ? Je suis jeune et faible et en réalité notre destin est ainsi fait.
Regarde notre cousine Fadma Oulbouche, elle vit le calvaire après son mariage forcé
avec Said Ouzdouz.
Ton père n'a vraiment pas de coeur, de vouloir envoyer ainsi une jeune fille belle et
"tamehroucht", dans une famille pareille, coupa Hajjou qui perdait son calme.
Et, au fait, est-ce qu'il est au courant de ton opposition à ce mariage ?
Je ne pense pas, répondit Tassekourt.
Tout cela, son père l'ignorait. Quand il rentra le soir de la fugue de sa fille, sa femme lui
apprit que Tassekourt était partie voir sa grand-mère malade qui avait réclamé son aide.
Il s'agit de "nannass" de Tounfit.
Elle savait que son mari ne pouvait supporter sa belle mère, aussi ne fut-elle pas surprise de
l'entendre dire : "toughzand" (tu as bien fait).
La mère de Tassekourt qui savait que sa fille ne peut-être que chez l'une de ses tantes avait
improvisé cette réponse pour éviter les foudres de son mari.
Le silence se fit. Tassekourt inspira plusieurs fois pour reprendre haleine, puis ajouta :
Ouallah ar houelkh bezzef. Bdikh inyer denb d'essekht n'loualdin d'yiouel n'Oubaou (ce qui me
trouble le plus, c'est la peur du péché : la malédiction des parents.)
Adakh issameh Rebbi zi'lhaq loualdin ! (Que Dieu nous pardonne les tourments que nous
causons à nos parents ! ) Cesse de penser à des choses pessimistes.
De nouveau Tassekourt se mit à sangloter comme une enfant. Ses larmes étaient grosses.
Elles tombaient sur le dos de ses mains.
Hajjou attira la tête de sa cousine vers elle et lui dit tendrement :
Il ne sert à rien de pleurer, cela ne peut que nuire à ta santé. Sèche tes larmes.
Adyamez Rebbi l'haq y'Oubaou ! (que Dieu maudisse Oubaou !)
Et elle ajouta : Ne t'en fais pas, Dieu et la providence veillent toujours sur les désespérés.
Dans l'autre salle Aicha Bassou discutait avec son cousin le rebouteux, elle hochait de temps
en temps la tête en laissant échapper des "aha yaha" nostalgiques.
Assis en face du jeune garde forestier, Mimoun Oukeza lui apprenait à prononcer les
noms amazighs des lieux et des sites existants dans le district de son commandement.
Oukeza les récitait d'un ton chantant comme si il les égrenait en caressant les cordes
d'un "Outar" de l'Atlas : Tizi N'Ighil, Iwerghissen, Akhdar, Ich N'Ifran, Moutfoud, Fzaz,
Oudidi, Imin Taqat, Izza Athmane, Talat N'Ouaarab, Assaka ...
Boujemaa qui avait la manie des cartes depuis son enfance, colorait en écoutant son
cavalier les lieux de son district : les forêts de chêne ou plustôt ce qu'il en restait en
vert, ce qui restait des cédraies en jaune clair, les sources et les oueds en bleu. Il traçait
les frontières en rouge vif. Ce qui frappait le jeune responsable c'est la longueur ainsi que
la variété des paysages de la haute Moulouya orientale. Les différentes régions colorées de
la carte, lui donnaient l'allure d'un tapis multicolore de Taznakht, un tapis étalé aux
pieds d'un colosse enrubanné de blanc : Jbel Al Ayachi.
Oukeza, fils de la région n'était ni archéologue ni historien, et pourtant, il savait que les
noms des lieux donnés par ses aieuls, n'étaient pas signes arbitraires. Ils racontaient leur
naissance, situaient leurs sites, décrivaient leur aspect ou évoquaient leur histoire.
Boujemaa avait trouvé que les sobriquets dont on affublait certains lieux sont amusants :
le mont "Afoud N'Ammi Lahcen" (montagne ressemblant au genou de tonton Lahcen), Igourden,
Tizi N'Ouazyiaou, Iyenzer N'Oufouness...
Nulle forêt au monde, n'était aux yeux de Mimoun Oukeza, aussi sacrée que celles de
la Haute Moulouya Orientale. Aucune d'entre elles n'a abrité autant de saints :
Sidi Yahia Ouyoussef, Sidi Abderrahman Ouyoussef, Si Boubker, Sidi Mohand Ousaid,
Sidi Ahmad Oulmghani...
Les montagnes escarpées et difficiles d'accés, celles d'Aghedou et celles des
Ait Amar sont des lieux pleins de symbole pour Mimoun Oukeza. Elles étaient le théâtre de
de faits d'armes contre l'occupant : elles rappellent les guerres : Tin Ou Nefgou, et
Tin Tzizaout.
La carte qu'avait dessinée le garde forestier contenait pas mal de bleu : Assif N'Ouirin,
Taghbalout N'Sidi Blal, Aqa N'Tatrout, Aghbalou Iyenzar N'Oufouness, Ighboula N'Moulouyt,
Assif N'Ait Moussa, Aghbalou N'Lfiteh...
Oukeza raconta la légende d'Aghbalou N'Lfiteh (source de la révélation), selon la
croyance locale : " Celui qui jusqu'alors ignorait Dieu le connaîtra désormais en buvant
l'eau bénite de cette source. "
Docteur Boufelja, en apprenant cette légende, s'adressa en rigolant à Mr Mimoun Oukeza
et lui dit :
Il va falloir que tu emmènes ce "kafer bellah" de Chakor à Aghbalou N'Lfiteh.
Et à tout le monde de s'esclaffer de rire.
noms amazighs des lieux et des sites existants dans le district de son commandement.
Oukeza les récitait d'un ton chantant comme si il les égrenait en caressant les cordes
d'un "Outar" de l'Atlas : Tizi N'Ighil, Iwerghissen, Akhdar, Ich N'Ifran, Moutfoud, Fzaz,
Oudidi, Imin Taqat, Izza Athmane, Talat N'Ouaarab, Assaka ...
Boujemaa qui avait la manie des cartes depuis son enfance, colorait en écoutant son
cavalier les lieux de son district : les forêts de chêne ou plustôt ce qu'il en restait en
vert, ce qui restait des cédraies en jaune clair, les sources et les oueds en bleu. Il traçait
les frontières en rouge vif. Ce qui frappait le jeune responsable c'est la longueur ainsi que
la variété des paysages de la haute Moulouya orientale. Les différentes régions colorées de
la carte, lui donnaient l'allure d'un tapis multicolore de Taznakht, un tapis étalé aux
pieds d'un colosse enrubanné de blanc : Jbel Al Ayachi.
Oukeza, fils de la région n'était ni archéologue ni historien, et pourtant, il savait que les
noms des lieux donnés par ses aieuls, n'étaient pas signes arbitraires. Ils racontaient leur
naissance, situaient leurs sites, décrivaient leur aspect ou évoquaient leur histoire.
Boujemaa avait trouvé que les sobriquets dont on affublait certains lieux sont amusants :
le mont "Afoud N'Ammi Lahcen" (montagne ressemblant au genou de tonton Lahcen), Igourden,
Tizi N'Ouazyiaou, Iyenzer N'Oufouness...
Nulle forêt au monde, n'était aux yeux de Mimoun Oukeza, aussi sacrée que celles de
la Haute Moulouya Orientale. Aucune d'entre elles n'a abrité autant de saints :
Sidi Yahia Ouyoussef, Sidi Abderrahman Ouyoussef, Si Boubker, Sidi Mohand Ousaid,
Sidi Ahmad Oulmghani...
Les montagnes escarpées et difficiles d'accés, celles d'Aghedou et celles des
Ait Amar sont des lieux pleins de symbole pour Mimoun Oukeza. Elles étaient le théâtre de
de faits d'armes contre l'occupant : elles rappellent les guerres : Tin Ou Nefgou, et
Tin Tzizaout.
La carte qu'avait dessinée le garde forestier contenait pas mal de bleu : Assif N'Ouirin,
Taghbalout N'Sidi Blal, Aqa N'Tatrout, Aghbalou Iyenzar N'Oufouness, Ighboula N'Moulouyt,
Assif N'Ait Moussa, Aghbalou N'Lfiteh...
Oukeza raconta la légende d'Aghbalou N'Lfiteh (source de la révélation), selon la
croyance locale : " Celui qui jusqu'alors ignorait Dieu le connaîtra désormais en buvant
l'eau bénite de cette source. "
Docteur Boufelja, en apprenant cette légende, s'adressa en rigolant à Mr Mimoun Oukeza
et lui dit :
Il va falloir que tu emmènes ce "kafer bellah" de Chakor à Aghbalou N'Lfiteh.
Et à tout le monde de s'esclaffer de rire.
De retour de chez Aicha Bassou, Ouadichan retrouvait tout le monde dans le salon de la
maison du garde forestier (la maison de Bouari). Boufelja, Chakor, Boujemaa et Oukezza
(le cavalier) prenaient du thé à l'absinthe, devant le fourneau où brulaient des troncs de
"taqqa" qui laissaient voler de temps en temps des "iftiouejen" (palettes). A l'extérieur,
la nuit était glaciale et noire.
Chakor qui commençait à soupçonner des choses chez son collègue Ouadichan, lui
tendit, sourire aux lèvres, un verre bien chaud. Bien installé sur une peau de mouton,
Oukezza entreprit de rouler une cigarette de "tadriha", et quand il eut planté entre ses
lèvres sa cigarette, il tendit le paquet et le carnet de feuilles à Chakor. La cigarette de
l'infirmier était tordue. Il n'avait pas l'habitude de fumer des cigarettes à rouler. Les deux
hommes allumèrent leurs cigarettes avec la même brindille.
L'ambiance était chaleureuse et cordiale. Chacun y allait de quelques anecdotes sur son
passé. Il y avait des moments de gros rires.
Un certain moment, Boufelja demanda au cavalier de leur parler de l'histoire de cette
maison, qu'il trouve mystérieuse et pleine de magie.
Oukezza leur apprit qu'il vivait là depuis trente six ans. Il leur parla des moments joyeux où
mornes qu'avait connue cette demeure : comme le bonheur sans égal, qu'avait procuré la
naissance dans son couple des jumelles deux fois. Ou la tristesse noire, vécue, après la
disparition accidentelle de son fils aîné Said. Il réfléchit un instant en comptant sur ses
doigts et reprit :
Si Said, Dieu ait son âme avait vécu il aurait ton âge, s'adressant à Ouadichan. La trentaine.
Adirhem rebbi ouina imouten ! (que Dieu prenne les morts en sa miséricorde !), répondit
Ouadichan.
Le silence retomba, Oukezza poussa une "tikht" , profonde, provoquée par l'évocation de
la mort de son fils.
Cette maison avait été bâti par Mr Bruno, le premier garde forestier français affecté à
notre région. Mr Bruno aimait les gens de la région. Il s'était marié à l'une des plus belles
femmes des Ait Yafelman : Tghouda Oudouhan. Mr Bruno, "rebbi atirhem ouakha d'aroumi"
(que Dieu ait son âme, même si c'est un Chrétien) m'avait appris mon métier de cavalier
de "bouari". Il m'avait appris également, comment vivre dignement de la forêt, tout en
respectant ses arbres et son gibier. Mr Oukezza ajouta que Mr et Mme Bruno l'aimaient
bien, et que lui ne les avaient jamais déçus.
Oukaamoun hénissait, Oukezza se disait : "oh, toukh ayiss ", (j'ai oublié le cheval).
Il se dirigea vers l'écurie et lui donna trois bonnes fourchées de paille et deux poignées
d'orge, son repas de la nuit.
Il rentra ensuite dans la cuisine en demandant si le manger était prêt, et Zinba, son épouse,
lui répondit qu'on aurait déjà pu manger depuis longtemps. Il revint dans le salon, les
bras chargés d'une cuvette"aghessal" et d'un "moukraj", contenant de l'eau tiède, pour
le rituel lavage des mains avant de passer à table. Il apporta ensuite un gros tagine qu'il mit
sur une table basse. Lorsqu'il souleva le couvercle, une forte odeur d'épices envahit l'espace.
Le tagine succulent et vaporeux contenait deux lièvres accompagnés d'oignons et de
raisins secs.
Oukezza restait à l'écart et encourageait de temps en temps ses hôtes à manger.
"tchat, m'rehba issoun" (mangez donc !), tout en s'excusant de ne pas pouvoir mieux
les recevoir "qblat ghif ouna nya ouakha idrouss". Puis il cria à nouveau :
"Ouadichan, biye aghroum, chassn imeden" (sert le pain !)
Le dîner, préparé par Zinba Lehboub, l'épouse d'Oukezza, fût exquis. Il laissera sans doute
les meilleurs souvenirs à l'équipe médicale et au nouveau "Bouari".
maison du garde forestier (la maison de Bouari). Boufelja, Chakor, Boujemaa et Oukezza
(le cavalier) prenaient du thé à l'absinthe, devant le fourneau où brulaient des troncs de
"taqqa" qui laissaient voler de temps en temps des "iftiouejen" (palettes). A l'extérieur,
la nuit était glaciale et noire.
Chakor qui commençait à soupçonner des choses chez son collègue Ouadichan, lui
tendit, sourire aux lèvres, un verre bien chaud. Bien installé sur une peau de mouton,
Oukezza entreprit de rouler une cigarette de "tadriha", et quand il eut planté entre ses
lèvres sa cigarette, il tendit le paquet et le carnet de feuilles à Chakor. La cigarette de
l'infirmier était tordue. Il n'avait pas l'habitude de fumer des cigarettes à rouler. Les deux
hommes allumèrent leurs cigarettes avec la même brindille.
L'ambiance était chaleureuse et cordiale. Chacun y allait de quelques anecdotes sur son
passé. Il y avait des moments de gros rires.
Un certain moment, Boufelja demanda au cavalier de leur parler de l'histoire de cette
maison, qu'il trouve mystérieuse et pleine de magie.
Oukezza leur apprit qu'il vivait là depuis trente six ans. Il leur parla des moments joyeux où
mornes qu'avait connue cette demeure : comme le bonheur sans égal, qu'avait procuré la
naissance dans son couple des jumelles deux fois. Ou la tristesse noire, vécue, après la
disparition accidentelle de son fils aîné Said. Il réfléchit un instant en comptant sur ses
doigts et reprit :
Si Said, Dieu ait son âme avait vécu il aurait ton âge, s'adressant à Ouadichan. La trentaine.
Adirhem rebbi ouina imouten ! (que Dieu prenne les morts en sa miséricorde !), répondit
Ouadichan.
Le silence retomba, Oukezza poussa une "tikht" , profonde, provoquée par l'évocation de
la mort de son fils.
Cette maison avait été bâti par Mr Bruno, le premier garde forestier français affecté à
notre région. Mr Bruno aimait les gens de la région. Il s'était marié à l'une des plus belles
femmes des Ait Yafelman : Tghouda Oudouhan. Mr Bruno, "rebbi atirhem ouakha d'aroumi"
(que Dieu ait son âme, même si c'est un Chrétien) m'avait appris mon métier de cavalier
de "bouari". Il m'avait appris également, comment vivre dignement de la forêt, tout en
respectant ses arbres et son gibier. Mr Oukezza ajouta que Mr et Mme Bruno l'aimaient
bien, et que lui ne les avaient jamais déçus.
Oukaamoun hénissait, Oukezza se disait : "oh, toukh ayiss ", (j'ai oublié le cheval).
Il se dirigea vers l'écurie et lui donna trois bonnes fourchées de paille et deux poignées
d'orge, son repas de la nuit.
Il rentra ensuite dans la cuisine en demandant si le manger était prêt, et Zinba, son épouse,
lui répondit qu'on aurait déjà pu manger depuis longtemps. Il revint dans le salon, les
bras chargés d'une cuvette"aghessal" et d'un "moukraj", contenant de l'eau tiède, pour
le rituel lavage des mains avant de passer à table. Il apporta ensuite un gros tagine qu'il mit
sur une table basse. Lorsqu'il souleva le couvercle, une forte odeur d'épices envahit l'espace.
Le tagine succulent et vaporeux contenait deux lièvres accompagnés d'oignons et de
raisins secs.
Oukezza restait à l'écart et encourageait de temps en temps ses hôtes à manger.
"tchat, m'rehba issoun" (mangez donc !), tout en s'excusant de ne pas pouvoir mieux
les recevoir "qblat ghif ouna nya ouakha idrouss". Puis il cria à nouveau :
"Ouadichan, biye aghroum, chassn imeden" (sert le pain !)
Le dîner, préparé par Zinba Lehboub, l'épouse d'Oukezza, fût exquis. Il laissera sans doute
les meilleurs souvenirs à l'équipe médicale et au nouveau "Bouari".
Après le diner, le Dr Boufelja se dirigea vers la chambre de service, c'est une pièce
utilisable en bureau et pouvant faire par occasion, office de chambre d'hôte. L'équipement
de la pièce était le plus sommaire : un bureau, un placard de rangement, une cheminée,
un téléphone et quelques lits alignés. Boufelja en choisit un qu'il défit et s'y affala.
Dans le salon, devant le feu crépitant, qu'on venait de relancer, les deux infirmiers,
Ouadichan et Chakor divisèrent une bonne partie de la nuit à discuter. Ouadichan
changea de place, s'approcha de Chakor et se mit à raconter sa légende.
Ecoute Chakor, je trouve que les choses de la vie sont assez étranges des fois. Je sens
que ma vie est entrain de prendre un grand tournant que je n'avais pas envisagé
avant notre arrivée à Tighermin.
Ah bon, et comment ?
Ouadichan avait changé de ton pour continuer :
J'aurais préféré garder mon histoire pour moi, mais je ne sais pourquoi ma pudeur a
disparu et une espèce de sentiments me pousse à me confier à quelqu'un.
Sa pomme d'Adam bougeait sans cesse sous sa peau. Il se tut un bon moment avant
de continuer. Je me confie à toi, je ne me confierais pas à n'importe qui. Tu es un homme
sérieux. En un mot le bilan de mon mariage avec Souad est un gâchis, j'ai décidé de
rompre, je ne me reconnais plus dans ce couple.
Tu ne l'aimes plus ?
Je l'ai aimée bêtement, elle faisait de moi ce qu'elle voulait, Souad est une femme exigeante,
elle me met beaucoup de pression et elle n'est jamais attentive à mon égard.
Mais maintenant, puisqu'elle vient avec toi à Midelt, cela veut bien dire qu'elle t'aime.
Elle a accepté notre mutation depuis quelques mois à l'hôpital de Midelt pas pour
mes beaux yeux Mr Chakor, mais bien pour autre chose.
De quoi s'agit-il ?
Souad et sa famille sont de grands dépensiers, nos deux salaires ne nous permettaient plus
de joindre les deux bouts à Meknès. Les derniers mois avant notre arrivée à Midelt
nous commencions à tirer le diable par la queue, c'était vraiment dur.
Et qu'est-ce qu'elle a sa famille à voir dans l'histoire, demanda Chakor.
C'est que nous faisions maison ensemble et table commune.
J'étais ce que les gens de chez moi appellent un (amhars), j'étais vraiment dans une
situation inconfortable, c'était déshonorant surtout vis à vis des miens.
Chakor qui est arabophone demanda la signification du terme(amhars).
C'est le nom qu'on donne à l'homme qui vit avec sa femme sous le toit de ses beaux parents.
Chakor alluma une cigarette, Ouadichan poussa un long soupir avant de continuer.
La famille de Souad parlait beaucoup d'argent et elle en manquait souvent car elle
vivait au dessus de ses moyens. Figures toi par exemple que Souad s'est fait faire
un (ateffas) (Caftan) avec les deux tiers de mon salaire (setin alf rials) et que sa
mère, Lalla Zahia invitait tout le temps beaucoup de monde.
A l'évocation de sa belle mère Ouadichan resta un instant silencieux. Un combat violent
s'était emparé de son âme avant d'ajouter.
Lalla Zahia se plaignait éternellement. Elle n'aimait pas ma famille qu'elle traitait
d'ailleurs de (mkelkhin)(blédars arriérés et butés). Elle oubliait que ces paysans
vivaient de leurs terres durement peut-être, mais combien libres et dignes !
J'ai fini par me fatiguer des lamentations de Lalla Zahia, et entre nous je crois qu'elle
a (le mauvais oeil) et même (tabaa) (la poisse, la guigne),
(adakh ister rebbi) Que Dieu nous préserve !
Peut-être que ton épouse a accepté de changer de ville et venir avec toi pour fuir le
climat malsain de sa famille.
Pas du tout Mr Chakor, Souad qui se croit plus intelligente que tout le monde est venue
avec moi pour me pousser à réclamer à mon père ma part d'héritage de ma
défunte mère. Elle ne cessait de me dire : quand on est en difficulté on pense un peu
à faire pression sur ceux qui pourrait nous aider. Elle faisait allusion à mon père.
Ce que Ouadichan raconta était, du début à la fin, l'entière et pure vérité.
Il remarqua que Chakor commençait à somnoler
Je t'ai cassé les oreilles avec mon histoire chagrine,
Et il ajouta,
Au fait pourquoi est-ce que tu souriais tout à l'heure quand tu me tendait le verre de thé ?
Tout simplement parce que j'ai constaté que depuis notre arrivée à Tighermin, tu es
devenu quelqu'un d'autre, et ce qui m'a fait sourire ce sont tes va et vient de
façon exagérée chez Aicha Bassou, et Chakor de plaisanter :
(khrouj men rountek) étale tes cartes, avoue que tu aimes Tassekourt.
Et Ouadichan fier comme un coq tapa la main de son ami, en riant et continua :
C'est vrai que je l'ai aimée dès que je l'ai vue, et c'est vrai aussi que je vais souvent
là-bas pour l'apercevoir. Tassekourt comme on dit chez nous (toukhlayi), (elle m'a tué).
Je l'aime, (tehla ghouri). Mais jusqu'à présent j'ignore tout de sa vie. Et tout ce
que j'espère c'est qu'elle soit libre.
utilisable en bureau et pouvant faire par occasion, office de chambre d'hôte. L'équipement
de la pièce était le plus sommaire : un bureau, un placard de rangement, une cheminée,
un téléphone et quelques lits alignés. Boufelja en choisit un qu'il défit et s'y affala.
Dans le salon, devant le feu crépitant, qu'on venait de relancer, les deux infirmiers,
Ouadichan et Chakor divisèrent une bonne partie de la nuit à discuter. Ouadichan
changea de place, s'approcha de Chakor et se mit à raconter sa légende.
Ecoute Chakor, je trouve que les choses de la vie sont assez étranges des fois. Je sens
que ma vie est entrain de prendre un grand tournant que je n'avais pas envisagé
avant notre arrivée à Tighermin.
Ah bon, et comment ?
Ouadichan avait changé de ton pour continuer :
J'aurais préféré garder mon histoire pour moi, mais je ne sais pourquoi ma pudeur a
disparu et une espèce de sentiments me pousse à me confier à quelqu'un.
Sa pomme d'Adam bougeait sans cesse sous sa peau. Il se tut un bon moment avant
de continuer. Je me confie à toi, je ne me confierais pas à n'importe qui. Tu es un homme
sérieux. En un mot le bilan de mon mariage avec Souad est un gâchis, j'ai décidé de
rompre, je ne me reconnais plus dans ce couple.
Tu ne l'aimes plus ?
Je l'ai aimée bêtement, elle faisait de moi ce qu'elle voulait, Souad est une femme exigeante,
elle me met beaucoup de pression et elle n'est jamais attentive à mon égard.
Mais maintenant, puisqu'elle vient avec toi à Midelt, cela veut bien dire qu'elle t'aime.
Elle a accepté notre mutation depuis quelques mois à l'hôpital de Midelt pas pour
mes beaux yeux Mr Chakor, mais bien pour autre chose.
De quoi s'agit-il ?
Souad et sa famille sont de grands dépensiers, nos deux salaires ne nous permettaient plus
de joindre les deux bouts à Meknès. Les derniers mois avant notre arrivée à Midelt
nous commencions à tirer le diable par la queue, c'était vraiment dur.
Et qu'est-ce qu'elle a sa famille à voir dans l'histoire, demanda Chakor.
C'est que nous faisions maison ensemble et table commune.
J'étais ce que les gens de chez moi appellent un (amhars), j'étais vraiment dans une
situation inconfortable, c'était déshonorant surtout vis à vis des miens.
Chakor qui est arabophone demanda la signification du terme(amhars).
C'est le nom qu'on donne à l'homme qui vit avec sa femme sous le toit de ses beaux parents.
Chakor alluma une cigarette, Ouadichan poussa un long soupir avant de continuer.
La famille de Souad parlait beaucoup d'argent et elle en manquait souvent car elle
vivait au dessus de ses moyens. Figures toi par exemple que Souad s'est fait faire
un (ateffas) (Caftan) avec les deux tiers de mon salaire (setin alf rials) et que sa
mère, Lalla Zahia invitait tout le temps beaucoup de monde.
A l'évocation de sa belle mère Ouadichan resta un instant silencieux. Un combat violent
s'était emparé de son âme avant d'ajouter.
Lalla Zahia se plaignait éternellement. Elle n'aimait pas ma famille qu'elle traitait
d'ailleurs de (mkelkhin)(blédars arriérés et butés). Elle oubliait que ces paysans
vivaient de leurs terres durement peut-être, mais combien libres et dignes !
J'ai fini par me fatiguer des lamentations de Lalla Zahia, et entre nous je crois qu'elle
a (le mauvais oeil) et même (tabaa) (la poisse, la guigne),
(adakh ister rebbi) Que Dieu nous préserve !
Peut-être que ton épouse a accepté de changer de ville et venir avec toi pour fuir le
climat malsain de sa famille.
Pas du tout Mr Chakor, Souad qui se croit plus intelligente que tout le monde est venue
avec moi pour me pousser à réclamer à mon père ma part d'héritage de ma
défunte mère. Elle ne cessait de me dire : quand on est en difficulté on pense un peu
à faire pression sur ceux qui pourrait nous aider. Elle faisait allusion à mon père.
Ce que Ouadichan raconta était, du début à la fin, l'entière et pure vérité.
Il remarqua que Chakor commençait à somnoler
Je t'ai cassé les oreilles avec mon histoire chagrine,
Et il ajouta,
Au fait pourquoi est-ce que tu souriais tout à l'heure quand tu me tendait le verre de thé ?
Tout simplement parce que j'ai constaté que depuis notre arrivée à Tighermin, tu es
devenu quelqu'un d'autre, et ce qui m'a fait sourire ce sont tes va et vient de
façon exagérée chez Aicha Bassou, et Chakor de plaisanter :
(khrouj men rountek) étale tes cartes, avoue que tu aimes Tassekourt.
Et Ouadichan fier comme un coq tapa la main de son ami, en riant et continua :
C'est vrai que je l'ai aimée dès que je l'ai vue, et c'est vrai aussi que je vais souvent
là-bas pour l'apercevoir. Tassekourt comme on dit chez nous (toukhlayi), (elle m'a tué).
Je l'aime, (tehla ghouri). Mais jusqu'à présent j'ignore tout de sa vie. Et tout ce
que j'espère c'est qu'elle soit libre.
Hajjou dormait profondément aux côtés de Tassekourt. Elle fut réveillée en sursaut par un cri.
Tassekourt s'agrippait à elle de toute son ardeur.
Hajjou, amournem ! (Hajjou, sauve moi !)
Tassekourt, Tassekourt ! que se passe-t-il ?
Tassekourt bredouilla quelques mots en guise de réponse. Elle écarquilla les yeux et
regarda Hajjou d'un air hagard. Et tandis que son front se perlait de sueur, elle reprenait
ses esprits. Elle laissa s'échapper une tikhte (soupir) et esquissa un sourire.
J'ai fait un rêve épouvantable.
Qu'as tu rêvé ? tu m'as fait terriblement peur !
Dans l'autre coin de la chambre, Talbicht dormait d'un sommeil profond.
C'était l'heure où le Muezzen appelait à la prière d'el fajr (l'aube). Il faisait planer avec
l'accent berbère des Ait Yahya Ou Youssef une longue prière
Dis moi, quel rêve as-tu fait ? chuchota Hajjou
J'ai rêvé que j'étais dans la famille des Ait Oubaw... Tout autour de moi, il n'y avait que
des inconnus, pas une tête que je ne connaisse... Ils avaient iqma n'widakh yaden,
iqma n'ait rebbi (ils avaient l'apparence des inommables, une apparence démoniaque).
Je voulais m'échapper... ils m'encerclèrent... je ne sais comment mais j'ai pu m'enfuir...
Un certain moment, Bennacer Oubaw, avec sa tête chevaline et son visage de
mejjeghioule (hyène) était à mes trousses. Il m'appelait de toutes ses forces, et quand
il prononçait mon nom, un tic curieux tirait sa bouche vers le côté. J'ai couru longtemps,
longtemps... Et quand il avait posé sur moi ses larges mains couvertes de poils frisés...
je t'ai vue debout devant moi, je ne pouvais plus courir, alors je t'ai enserrée et j'ai crié.
Maintenant, oublie ce mauvais rêve et calme toi un peu.
Hajjou profita de la lumière du jour qui jaillit en diagonale de Talfouyt (le trou de fumée se
trouvant au plafond à solives). pour regarder le beau visage ovale et sympathique de
sa cousine et lui murmura.
Tu es ensorcelée, ma pauvre ! Il faut faire tout de suite quelque chose.
Elle attisa le peu de braises qui était resté dans l'almessi (fourneau) en soufflant dessus. Elle y
jeta une poignée de sel. Et au fur et à mesure que le sel brûlait, Hajjou marmonnait des phrases
magiques que sa grand mère Aicha Bassou disait dans des situations similaires.
Elle répétait :
N'traoun chraâ ayayt oudghar ! heydatass i'Tssakourt ! (nous vous prions, oh maîtres des
lieux, de vous éloigner de Tassekourt et de la laisser en paix !).
La compassion et les gestes de Hajjou avaient agi comme un baume apaisant sur
l'esprit de Tassekourt. S'approchant d'elle, elle lui souffla à l'oreille :
Tu es une gentille cousine Hajjou, tu es vraiment une cousine adorable.
Tassekourt et Hajjou échangèrent encore quelques phrases et s'endormirent.
A l'extérieur, ikkajoun (corneilles) croassaient sur le village paisible de Tighermin.
Tassekourt s'agrippait à elle de toute son ardeur.
Hajjou, amournem ! (Hajjou, sauve moi !)
Tassekourt, Tassekourt ! que se passe-t-il ?
Tassekourt bredouilla quelques mots en guise de réponse. Elle écarquilla les yeux et
regarda Hajjou d'un air hagard. Et tandis que son front se perlait de sueur, elle reprenait
ses esprits. Elle laissa s'échapper une tikhte (soupir) et esquissa un sourire.
J'ai fait un rêve épouvantable.
Qu'as tu rêvé ? tu m'as fait terriblement peur !
Dans l'autre coin de la chambre, Talbicht dormait d'un sommeil profond.
C'était l'heure où le Muezzen appelait à la prière d'el fajr (l'aube). Il faisait planer avec
l'accent berbère des Ait Yahya Ou Youssef une longue prière
Dis moi, quel rêve as-tu fait ? chuchota Hajjou
J'ai rêvé que j'étais dans la famille des Ait Oubaw... Tout autour de moi, il n'y avait que
des inconnus, pas une tête que je ne connaisse... Ils avaient iqma n'widakh yaden,
iqma n'ait rebbi (ils avaient l'apparence des inommables, une apparence démoniaque).
Je voulais m'échapper... ils m'encerclèrent... je ne sais comment mais j'ai pu m'enfuir...
Un certain moment, Bennacer Oubaw, avec sa tête chevaline et son visage de
mejjeghioule (hyène) était à mes trousses. Il m'appelait de toutes ses forces, et quand
il prononçait mon nom, un tic curieux tirait sa bouche vers le côté. J'ai couru longtemps,
longtemps... Et quand il avait posé sur moi ses larges mains couvertes de poils frisés...
je t'ai vue debout devant moi, je ne pouvais plus courir, alors je t'ai enserrée et j'ai crié.
Maintenant, oublie ce mauvais rêve et calme toi un peu.
Hajjou profita de la lumière du jour qui jaillit en diagonale de Talfouyt (le trou de fumée se
trouvant au plafond à solives). pour regarder le beau visage ovale et sympathique de
sa cousine et lui murmura.
Tu es ensorcelée, ma pauvre ! Il faut faire tout de suite quelque chose.
Elle attisa le peu de braises qui était resté dans l'almessi (fourneau) en soufflant dessus. Elle y
jeta une poignée de sel. Et au fur et à mesure que le sel brûlait, Hajjou marmonnait des phrases
magiques que sa grand mère Aicha Bassou disait dans des situations similaires.
Elle répétait :
N'traoun chraâ ayayt oudghar ! heydatass i'Tssakourt ! (nous vous prions, oh maîtres des
lieux, de vous éloigner de Tassekourt et de la laisser en paix !).
La compassion et les gestes de Hajjou avaient agi comme un baume apaisant sur
l'esprit de Tassekourt. S'approchant d'elle, elle lui souffla à l'oreille :
Tu es une gentille cousine Hajjou, tu es vraiment une cousine adorable.
Tassekourt et Hajjou échangèrent encore quelques phrases et s'endormirent.
A l'extérieur, ikkajoun (corneilles) croassaient sur le village paisible de Tighermin.
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